es derniers soubresauts de la
Première Guerre mondiale,
à l'automne de 1918, ne firent qu'exacerber le conflit
grandissant au sein des relations industrielles au Canada. Les
travailleurs insistaient de plus en plus pour obtenir la
journée de travail universelle de huit heures, la
reconnaissance syndicale et de meilleurs salaires. Le nombre de
grèves et de travailleurs en grève était
à la hausse :
1916 168 grèves 26 971 grévistes
1917 222 grèves 50 327 grévistes
1918 305 grèves 82 573 grévistes
1919 428 grèves 149 309 grévistes
1920 459 grèves 76 624 grévistes
En 1919, alors que près de 150 000 Canadiens firent la
grève, le pays perdit en production l'équivalent de
plus de 3,4 millions de journées de travail.
L'abolition des barrières entre les corps de métier
et les autres travailleurs, qui avait débuté durant la
guerre, se poursuivit en 1919. En fait, les syndicalistes
professionnels les plus conservateurs virent leur influence
s'éroder rapidement. Aux conventions annuelles du
Congrès des métiers et du travail (CMT) en 1917
et 1918, leurs politiques furent à maintes reprises mises
en échec par des délégués militants
demandant que le Congrès adopte le syndicalisme industriel
et adhère résolument aux politiques radicales
fondées sur l'idéologie de la lutte des classes.
Les dirigeants du CMT n'étaient pas les seuls à
résister, dans les conventions, à cette prise de
position puisqu'un programme à teneur plus progressiste
recevait un bon accueil au sein de la population canadienne.
Cette révolte grandissante prenait différentes
formes selon les régions au pays. Dans la région
centrale, les militants et les syndicalistes radicaux avaient
tendance à demeurer dans leurs syndicats respectifs. La
stratégie consistait à radicaliser le mouvement de
l'intérieur en effectuant une conversion au syndicalisme
industriel. Dans l'Ouest, les militants syndicaux lancèrent
un mouvement destiné à trouver une solution de
rechange radicale au CMT. Le 13 mars 1919, une convention
spéciale fut organisée à cette fin. Des
délégués de toute la région se
réunirent à la Western Labour Conference à
Calgary où ils formulèrent des plans en vue de former
un seul gros syndicat (One Big Union ou OBU). Dans un
référendum faisant suite à la réunion
de Calgary, des milliers de travailleurs, principalement de l'Ouest
du Canada, votèrent à une majorité
écrasante en faveur du retrait du CMT. En juin, ils
lancèrent officiellement l'OBU.
L'OBU se déclara un syndicat industriel
révolutionnaire, préconisa le recours à la
grève générale et déclara son appui
à la révolution bolchevique menée en Russie.
Ses objectifs les plus immédiats comprenaient la
reconnaissance syndicale, la journée de travail de six heures,
du lundi au vendredi, afin de contourner le chômage, des
augmentations salariales et la « révocation des
décrets en conseil restreignant la liberté des
travailleurs ». Étant donné que l'OBU en
était au stade de formation au printemps de 1919, il ne
joua pas un rôle immédiat dans la vague de
grèves déferlant sur le pays. Toutefois, le concept
ou l'idée d'un « gros syndicat unique » devint un
symbole durant cette période tumultueuse, et un grand nombre
des dirigeants de cette révolte furent d'éminents
partisans de l'OBU.
L'appel lancé en faveur de la création d'un «
gros syndicat unique » influença aussi les travailleurs
dans les Maritimes. Alors que les syndicalistes de l'Ouest
s'affairaient à planifier l'avènement de ce syndicat
unique, les travailleurs à Amherst, en Nouvelle-Écosse,
créaient leur propre gros syndicat unique indépendant.
En fait, avant le lancement officiel de l'OBU dans l'Ouest, l'OBU
d'Amherst avait déjà déclenché une
grève générale contre tous les employeurs de
la ville. La grève d'Amherst et de nombreuses autres
confrontations locales qui prirent place partout au Canada durant
ce printemps de mécontentement du salariat furent abruptement
remplacées dans les manchettes des journaux du pays par les
événements encore plus remarquables qui se
déroulaient à Winnipeg.
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