Marius Barbeau Un aperçu de la culture canadienne (1883-1969)
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La vie de Barbeau

Petite l'enfance (2)

Nous habitions une grande maison de brique. Le temps se passait dans une grande cuisine dans une aile en arrière et à angle droit du corps principal qui allait de gauche à droite. Il y avait une table, un grand poële des meubles une porte de côté allant dehors, et au fond, à droite, la porte conduisant à la grande chambre de mes parents. En haut, il y avait des chambres. Ma mère avait au salon un grand piano carré et souvent elle jouait; un des ses morceaux était « La prière d'une vierge ».

Le jardin devant la cuisine était fermé d'une haute clôture de lilas, de pruniers à petits fruits rouges excellents, lorsqu'ils mûrissaient, pour en faire des confi­tures. Ce jardin était rempli de fleurs, reines margue­rites, « phlox », etc... de gadelliers, de groseilliers qui faisaient mes délices en bonne saison, de grosses fraises que mon père cultivait avec soin, de framboisiers rouges et blancs, de quelques carrés d'échalotes, de poireaux et une ou deux couches-chaudes. Il fallait agir avec soin et respect, dans ce jardin : ne rien briser, ne pas aller cueillir de fraises ou de framboises. N'en manger que lorsque mon père vous les donnait. Quelquefois, j'en prenais en cachette quelques-unes.

Le centre de ce jardin (sinon du monde!) était le pommier de « fameuses »- arbre sans pareil, dont les fruits étaient blancs striés de rouge. Il était arrondi. Son tronc était assez capricieux, contourné. Cet arbre est toujours resté dans mon imagination comme l'arbre de la Tentation dans le Paradis terrestre.

On était strict, on ne me permettait pas le compagnonnage avec les petits voisins, fils d'habitants, qui « parlaient mal ». Ma mère était une femme instruite, ayant été novice sept ans jusqu'à l'âge de vingt-trois ans chez les soeurs grises de Québec. Mon père était habitant, mais un homme de certaines prétentions. Je grandissais à huis clos!

À huit ans on me fait « marcher au catéchisme » pour ma première communion. J'aimais cette sortie dans le monde. Au catéchisme dans la sacristie, le vicaire qui nous enseignait nous faisait réciter les réponses sur les mystères, etc. On n'y comprenait rien, mais on récitait mot à mot. Mes parents m'avaient fait apprendre toutes les réponses. J'étais trop jeune pour faire ma première communion. J'avais huit ans, alors qu'on attendait à dix ou douze ans d'ordinaire. Je fis quand même ma première communion. C'était un événement: rosette blanche sur le coeur, bandeau en ruban blanc au bras!

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