À la croisée des cultures 200 ans d'immigration au Canada (1800-2000)
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Un aperçu historique de l'immigration au Canada

Renverser la tendance

La Grande Guerre de 1914-1918 a été le grand point tournant pour les droits de la personne au Canada. Jusque-là, le pays avait été un ensemble de sociétés inégalement favorisées. De grands écarts existaient entre les droits des hommes et des femmes, entre les privilèges du capital et de la main-d'œuvre, et sur les plans de la langue, de la race, de l'origine ethnique, de la religion, de l'éducation, de la santé et de nombre d'autres éléments civiques de moindre importance.

Les manifestations les plus graves de cette inégalité étaient enracinées dans les préjugés ou la cupidité. Au Québec, en Colombie-Britannique et en Ontario, il y avait de fortes tendances vers l'exclusivisme en faveur de natifs, et les étrangers dont les pays d'origine avaient été des ennemis durant la guerre risquaient d'être emprisonnés ou déportés.

L'anti-orientalisme était virulent sur la côte ouest, se soldant parfois par des émeutes comme celles qui ont eu lieu à Vancouver en 1887 et 1907. Le mouvement syndical a également résisté à l'immigration à la fin du XIXe siècle et au début du XXe. La crainte de suppressions d'emplois ou de concurrents qui accepteraient de faibles salaires était généralement à l'origine des manifestations syndicales. La plupart des Canadiens vivaient dans des régions rurales, éloignées ou sauvages, mais la population urbaine augmentait rapidement, devenant le secteur le plus imposant dès les années 1930. Jusqu'à cette époque, l'agriculture, la pêche, l'exploitation forestière, l'exploitation minière, le piégeage et d'autres secteurs de ressources primaires ont dominé les marchés du travail. Mais pendant les années 1920, le secteur manufacturier et le secteur des services ont évolué à un rythme beaucoup plus rapide. Pour combler les postes disponibles, il fallait attirer plus d'immigrants, et cette fois, on a mis l'accent autant sur les travailleurs industriels que sur les agriculteurs.

En 1921, le Canada comptait 8 787 949 d'habitants, une augmentation de 64 % par rapport à 1901. Dix ans plus tard, la population nationale s'était accrue de 18 % encore, pour se situer à 10 377 000. Au cours de ces trois décennies, 4 593 800 immigrants sont arrivés, presque la moitié de la population totale. En 1931, les provinces des Prairies représentaient 23 % du total national, mais ce fut le chiffre record pour cette région. Aucune région du Canada n'a été aussi durement frappée par la Grande Crise au cours des huit années qui ont suivi. Les Prairies ont connu un déclin net parce que des agriculteurs et d'autres personnes, fuyant l'effondrement des marchés, la sécheresse, des cultures ruinées par des infestations d'insectes à une échelle épidémique, le chômage généralisé et d'autres misères, ont migré en Colombie-Britannique et en Ontario, ou ont tout simplement quitté le pays.

La crise des années 1930, « les années noires », a touché tous les pays occidentaux. Le commerce international et les mouvements de populations entre les pays ont tous les deux diminué énormément. Entre 1936 et 1940, l'immigration vers le Canada a chuté à 72 200 personnes, le dixième du nombre qui sont arrivées entre 1926 et 1930. Les années de guerre qui ont suivi ont ralenti l'immigration encore plus; seulement 60 900 personnes ont réussi à entrer et à rester dans ce pays entre 1940 et 1945.

Malgré l'afflux énorme d'Européens au début du XXe siècle, en 1931 les habitants d'origine britannique et française prédominaient encore. Les premiers constituaient 51,9 % de la population, et les derniers, 28,2 %. Les personnes d'origine allemande, hollandaise et scandinave représentaient 8,2 % de la population, et tous les autres Européens seulement 9,4 %. Les autres 2,3 % étaient surtout des Asiatiques et des Autochtones.

Le Canada était manifestement un pays de Blancs dominé par deux « peuples fondateurs ». Une hostilité intense envers tous les Asiatiques, surtout en Colombie-Britannique, avait étouffé l'immigration de l'Extrême-Orient. En 1900, par exemple, la taxe d'entrée imposée aux Chinois qui arrivaient au pays a été fixée à 100 $, soit le double du taux précédent. En 1923, elle a été quintuplée. À cause de cette taxe et d'autres mesures répressives qui ont été prises contre les contingents asiatiques au cours des 24 années qui ont suivi, le Canada est resté presque exclusivement eurocentrique dans son orientation et sa composition jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais les excès et les horreurs de ce conflit ont rapidement changé la plupart des idées et des attitudes à l'égard de la race, de la religion, des origines ethniques et de la valeur de chaque personne.