Histoire orale

« [Le sujet de cette légende est] un couple qui vient de se marier. La température était très basse au milieu de l’hiver. Les gens se déplaçaient dans les montagnes en quête de nourriture. La jeune épouse a dit en plaisantant : “Je mettrai beaucoup de temps à coudre des semelles sur ces bottes.” Le jeune époux idiot est devenu mécontent. Il était si fâché qu’il a dépouillé son épouse de son parka chaud et l’a laissée geler. La nouvelle s’est répandue dans le camp comme une traînée de poudre. Tout le monde était affairé, mettant ses affaires dans des sacs pour se mettre en route. Personne n’est intervenu. Heureusement, la jeune femme avait une bonne amie dans le camp. Alors que les gens partaient et ignoraient la jeune femme, l’amie s’est arrêtée près d’elle le temps de l’informer qu’elle avait laissé des braises sous les broussailles pour elle. Elle lui a également laissé des tendons.

Quand elle était certaine que tout le monde était bien en route, elle est allée à l’endroit de son amie. Là, sous les broussailles, il y avait des braises et des tendons – comme son amie lui avait dit. Heureuse, elle s’est fait un feu chaud et crépitant pour se réchauffer. Elle était aussi occupée à tordre les tendons ensemble pour en faire des collets. Peu de temps après, elle s’est rendu compte qu’elle était entourée de corbeaux. Ils cherchaient de la nourriture dans le camp. Elle a eu une idée. Sans perdre du temps, elle a pris ses collets et les a posés partout dans le camp déserté. Environ une heure plus tard, elle dépouillait des corbeaux qu’elle avait pris avec ses collets. Les peaux lui ont fourni un manteau chaud. Les orteils lui ont donné des tendons qui étaient petits mais utilisables. Perdant peu de temps et gaspillant peu de ressources disponibles, elle était sur le chemin de la survie. Les jours sont passés très vite, et quand il faisait assez chaud, elle s’est rendue à une rivière située dans les environs. Sur les bergers, elle a trouvé beaucoup de lapins. Elle a tendu des collets et a pris des tas de lapins. À l’approche du printemps, elle s’est déplacée le long de la berge, prenant de plus en plus de lapins. Elle avait plus qu’assez de nourriture. Avec les peaux, elle a confectionné des parkas et d’autres vêtements, comme des pantalons et des robes. Elle aurait même tanné les peaux de lapin et les aurait ornées de piquants de porc-épic. Elle a pris des porcs-épics et a teint les piquants en différentes couleurs. Avec des perches d’épinette, elle s’est également construit une habitation chaude qui la protégeait de la pluie.

Après le dégel, elle a continué à prendre des lapins avec des collets et à chercher du petit gibier dans les environs. Un jour, lorsqu’elle rentrait, elle marchait le long de la rivière et elle a vu un canot s’approcher. Il transportait deux hommes. Prenant peur, elle est restée clouée sur place. Elle pensait qu’elle passerait inaperçue si elle restait immobile, mais c’était trop tard. Les hommes l’avaient vue. S’approchant, ils l’ont saluée et lui ont dit qu’elle n’avait rien à craindre. Après avoir parlé avec eux pendant longtemps, elle était convaincue qu’ils étaient inoffensifs. À l’époque, notre peuple pratiquait la polygamie, donc les deux lui ont naturellement proposé le mariage. Elle a consenti et les a emmenés chez elle. Elle a appris que les deux hommes la cherchaient. Ils savaient qu’elle avait été désertée par son peuple, donc ils l’ont cherchée et ont fini par la trouver. Ils étaient contents de voir qu’elle se débrouillait bien.

L’automne approchait. Les trois se sont installés dans les montagnes, où ils ont trouvé beaucoup de nourriture. Dès qu’ils ont pris des caribous, la femme a commencé à travailler les peaux. Elle les a tannées et s’est confectionné de bons ensembles, des robes et un parka pour l’hiver. Il s’agissait des premiers vêtements de qualité qu’elle avait eus depuis qu’elle avait été désertée. Ensuite, elle a fabriqué une tente. Elle a nettoyé et tanné toutes les peaux. Elle a fait des vêtements pour ses époux. À l’approche de l’hiver, ils avaient une abondance de viande. Ils ont creusé un trou dans une petite colline, où ils ont entreposé une bonne partie de la viande. Ils avaient également une tente supplémentaire.

Entre-temps, les personnes qui l’avaient laissée un an auparavant parcouraient les montagnes en quête de nourriture. Elles étaient au bord de la famine quand elles ont appris que quelqu’un avait senti la fumée quand ils avaient passé une vallée quelques miles avant. Elles pensaient vérifier cela, mais avant qu’elles le fassent, un des jeunes hommes est arrivé. Il leur a dit qu’ils avaient cherché la femme abandonnée, qu’ils l’avaient trouvée et qu’ils vivaient avec elle. Il a invité les personnes affamées à rentrer avec lui.

Chez eux, les trois ont préparé de la nourriture pour les autres. La femme a monté la tente supplémentaire à côté de la sienne. Tout était prêt quand les gens sont arrivés. Il y avait de la bonne nourriture. De la viande séchée, de la viande rôtie, de la viande frite, des viandes bouillies, de la graisse d’os, des graisses et du jus de viande chaud à manger et à boire. L’amie de la femme et sa famille se sont installées dans la tente supplémentaire qui avait été montée pour elle. Son amie était prête à tout faire pour elle pour la remercier d’avoir laissé les braises et les tendons quand tous les autres s’étaient retournés contre elle parce qu’elle avait fait une remarque insignifiante à propos de la couture.

Quand tous avaient bien mangé et avaient assez de force pour travailler, ils ont monté leurs tentes. L’idiot ex-mari a essayé de trouver un moyen de reprendre sa femme. Enfin, il a sorti son seul outil. C’était un petit instrument qu’on utilisait quand on fabriquait une raquette. Une alène. La tenant dans le creux de la main, à l’entrée de la tente de son ex-femme, il a dit aux deux hommes : “Donnez-moi la femme et je vous donnerai ceci.” Avant qu’ils disent quoi que ce soit, la femme était à côté de lui et lui a arraché l’alène. Sans mot dire, elle lui a jeté l’instrument à la figure. Il l’a reçu sur le nez et a commencé à saigner. C’était tout. Il savait ce que ça voulait dire, donc il a fait demi-tour et il est parti tranquillement. Il avait des remords, mais c’était trop tard. Il ne pourrait pas reprendre sa femme. »

Bella Alexie, Aînée teetł’it gwich’ine, vers 1976 (« Marriages »)