Daniel Weetaluktuk : un pionnier de l’archéologie communautaire

Pierre M. Desrosiers

La Journée internationale des Inuit, décrétée par le Conseil circumpolaire inuit et célébrée le 7 novembre, est l’occasion de commémorer le dynamisme de la culture des Inuit, la richesse de leur histoire et leur rôle d’importance au Canada et dans le monde. Un exemple éloquent à cet égard est certainement l’accomplissement exceptionnel de Daniel Weetaluktuk, un pionnier dans le domaine de l’archéologie.

Originaire d’Inukjuak, un village nordique du Nunavik, le Grand Nord québécois, M. Weetaluktuk détient plusieurs records.

Dans les années 1970, il est devenu le premier Inuk archéologue au Canada, voire dans le monde! Plusieurs le considèrent d’ailleurs comme le père de l’archéologie communautaire au Canada. Cette forme d’archéologie implique les communautés locales ou culturellement affiliées à toutes les étapes d’un projet – de sa conception à sa diffusion, en passant par sa réalisation. Ses membres s’approprient ainsi la connaissance et développent également leur sens des responsabilités pour la protection et la valorisation du patrimoine.

En 1979, il a été le premier Inuk à engager un archéologue fraichement diplômé comme assistant. Il se trouve que l’archéologue en question n’était nul autre que Jean-Luc Pilon, qui a récemment pris sa retraite après une carrière fructueuse au Musée canadien de l’histoire. « Charles Martijn m’a présenté à Daniel et a suggéré que nous travaillions ensemble, se rappelle Jean-Luc Pilon. Habituellement, des personnes de la région sont employées pour appuyer les chercheurs du sud dans leurs travaux, mais, dans un superbe renversement de situation, j’étais l’assistant. La façon dont Daniel exerçait son leadership était aussi douce que sa personnalité. Il comprenait, en tant qu’archéologue, que ses travaux devaient satisfaire à des exigences pour assurer le maintien de leur légitimité aux yeux de ceux attachés à des “traditions scientifiques”. Cela ne l’empêchait pas d’innover et de respecter ses propres traditions dans sa démarche. »

Daniel Weetaluktuk et figurine

Gauche : Daniel Weetaluktuk à Cape Garry, en 1976. Musée canadien de l’histoire, MS 1219 V9, Allen P. McCartney, IMG2019-0197-0005-Dm
Droite : Figurine dorsétienne trouvée par Daniel Weetaluktuk en 1977 sur le site Porden Point de l’île Devon. Musée canadien de l’histoire, RbJr-1:198, IMG2008-0215-0030-Dm

Daniel Weetaluktuk a laissé une marque indélébile, malgré son décès précoce dans un accident en 1982. L’archéologie communautaire telle qu’il l’avait imaginée est devenue pratique courante au Canada. Pour lui rendre hommage, le Musée Daniel-Weetaluktuk se dresse au cœur même d’Inukjuak, depuis 1992, et l’Association canadienne d’archéologie a établi un prix à son nom pour récompenser les meilleures publications étudiantes.

Dans un article de la revue Northern Perspectives, publié en 1982, il expliquait ainsi sa vision de la recherche archéologique en ce qui concerne les Inuit :

« Si la recherche habituelle ne peut pas répondre aux besoins des Inuit, alors il devrait y avoir une recherche parallèle conçue pour y répondre. Ceci permettrait aux participants inuits de comprendre sa conception et son objectif. Par parallèle, il n’est pas nécessairement question de répéter la recherche, mais même si c’était le cas, cela en vaudrait la peine afin que les Inuit puissent y apprendre quelque chose d’utile. »

On peut en apprendre plus sur Daniel Weetaluktuk et son œuvre en consultant sa bibliographie (en anglais), son article intitulé « Canadian Inuit and Archaeology » (en anglais), ou encore : Kemp, William. « Daniel Weetaluktuk 1950-1982 », Northern Perspectives, vol. 10, no 6 (1982), p. 11-12, et « Inuk archaeologist searches for clues to the past », Igalaaq (juin 1982), p. 7.

Pierre Desrosiers est conservateur, Archéologie centrale, au Musée canadien de l’histoire.