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Un avion blanc survolant un fond rouge au Musée canadien de l'histoire à Ottawa.

Trésors culturels des Haïdas : Apprendre auprès des maitres

Auteurs

  • Keith Kerrigan

Publié

24 juin 2025


Je suis un artiste haïda issu d’une longue lignée d’artistes remontant à plusieurs générations. Je travaille l’argent sterling, l’or et le bois. Il m’arrive aussi de peindre des objets.

Cet article porte sur le partage de la collection du Musée canadien de l’histoire avec un membre de la nation haïda, dans le cadre d’une initiative conjointe avec la YVR Art Foundation. Le Musée a ainsi fait de son incroyable collection d’art haïda un outil soutenant activement les pratiques des Haïdas qui vivent et travaillent aujourd’hui.

Ma pratique artistique

Je travaille comme artiste haïda depuis l’été 1980, durant lequel j’ai suivi un cours de dessin et de sculpture sur argilite haïda auprès de mon oncle, Claude Davidson. (L’argilite est une ardoise que l’on trouve à Haida Gwaii et qui est sculptée par les Haïdas.) J’ai travaillé pendant un certain temps avec différents artistes et joailliers, qui m’ont chacun appris des leçons inestimables.

L’un des principaux objectifs de la collaboration avec d’autres personnes est d’élargir les possibilités d’un projet particulier, d’un support de travail ou de la conception haïda en général. À partir de là, il me revient de faire quelque chose avec cette information. C’est en faisant que l’on apprend, et j’apprends au fur et à mesure. Ainsi, un voyage comme celui que j’ai fait en 2023 pour passer plusieurs jours au Musée a été le début de nombreux projets et idées.

Bourse de recherche de la YVR Art Foundation

J’avais entendu parler d’un programme d’études de la YVR Art Foundation qui permettait de financer des voyages d’études dans des musées du monde entier. Le Musée canadien de l’histoire figurait sur cette liste. J’ai posé ma candidature et j’ai obtenu une bourse pour mener ce projet à bien.

La YVR Art Foundation (en anglais seulement) est une organisation indépendante sans but lucratif qui soutient les artistes des Premières Nations de la Colombie-Britannique et du Yukon.

Je possède quelques livres de George McDonald, l’ancien conservateur du Musée, et je connais la collection depuis longtemps. J’ai passé d’innombrables heures à étudier les photos des meilleures pièces de la collection. J’avais également passé de nombreuses heures au Musée d’anthropologie lorsque j’étudiais à l’université de la Colombie-Britannique, mais il ne m’était jamais venu à l’esprit que ces musées me permettraient d’explorer leurs collections ou d’examiner certaines pièces de près.

Le projet d’étude

N’ayant jamais fait cela auparavant, je ne savais pas du tout par où commencer. Grâce aux conseils de Kaitlin McCormick, conservatrice, Histoires autochtones et Cultures contemporaines de l’Ouest, un plan a été établi afin que je puisse mener mes recherches.

J’ai été très étonné de constater que non seulement le Musée autorisait une visite, mais qu’il m’aidait à la planifier. Il s’est avéré que Kaitlin serait mon hôtesse pour la semaine. Elle a passé de nombreuses heures à discuter des pièces que j’avais sélectionnées et m’a donné des idées sur d’autres collections à explorer au sein du Musée.

Nous avons commencé à dresser une liste, en fonction des suggestions de Kaitlin. Ces pièces seraient extraites des collections et placées dans une salle d’étude, où je pourrais passer autant de temps que je le souhaitais avec elles pendant mon séjour au Musée. J’étais heureux que tout se mette en place, mais je n’imaginais pas à quel point ce serait spécial d’entrer dans la salle d’étude pour la première fois.

Le matin de ma première journée, j’ai été accueilli par Kaitlin à mon arrivée. Nous avons discuté d’un plan pour la semaine, puis nous nous sommes dirigés vers la salle d’étude. Toute la collection y était : des boites en bois cintré, des bols, des bols en bois cintré, des petits plats à graisse individuels, des plats à festin et des bracelets en argent. C’était presque trop.

Une pièce blanche contenant plusieurs longues tables recouvertes de dizaines d’objets en bois de différentes tailles.

Le Musée a disposé diverses pièces de la collection dans un espace d’étude.

Keith Kerrigan

J’ai passé des heures à observer les lignes peintes et les lignes sculptées. J’ai aussi comparé les œuvres de différents artistes les unes aux autres, tout en observant les différences d’échelle, qui vont des minuscules bols sculptés aux grands bols et boites en bois cintré.

Certaines œuvres avaient clairement été réalisées par des maitres et d’autres, par des personnes à la main moins sûre. Chacune offre un aperçu de ce que le travail manuel rend possible. Chacune d’entre elles représente une étape dans le développement de l’artiste.

Ces œuvres renfermaient les secrets des personnes qui les ont fabriquées et utilisées. Elles avaient été conçues pour être utilisées et avaient effectivement été utilisées : certaines montraient des signes clairs d’imprégnation de graisse d’eulakane après des années de festin.

Mais ce n’était qu’un début.

Il y a également eu de nombreuses visites dans la Grande Galerie pour voir la collection de mâts totémiques magnifiquement sculptés. Le point fort pour moi a été le travail de plusieurs maitres sculpteurs haïdas. Chaque œuvre a son style propre et chacune offre un petit indice de ce qu’il est possible de faire. Cela montre qu’une œuvre n’a pas à être parfaite pour être magnifique. Chacune illustre la puissance d’une ligne sculptée dans le bois.

Un groupe de mâts totémiques sculptés dans une grande pièce ensoleillée.

La Grande Galerie abrite une vaste collection de mâts monumentaux historiques et d’importantes œuvres d’art réalisées par des artistes autochtones tels que Bill Reid, Robert Davidson, Beau Dick et Alex Janvier.

Musée canadien de l’histoire

Il y a eu plusieurs visites dans les réserves des collections pour explorer et étudier des cuillères en corne de chèvre de montagne et de mouflon, diverses sculptures en argilite, ainsi que d’autres boites et bols. Les coiffures des chefs sont peut-être les plus incroyables. Elles ont des bandeaux sculptés et peints, décorés de plumes de pic flamboyant et de moustaches de lion de mer, et se terminant par des couches en cascade d’armeline et de drapés de laine.

L’un de mes moments forts a été la découverte d’un plat en argilite fabriqué par mon arrière-grand-père, Charles Edenshaw. Il s’agit d’une œuvre extraordinaire dont j’avais une copie à la maison. La réplique avait été offerte à ma famille il y a plusieurs années par un ami qui l’avait achetée au Musée. C’est un trésor dans ma maison, un lien avec le passé et un lien direct avec ma tradition familiale.

J’ai découvert l’original de façon tout à fait inattendue en fouillant dans des tiroirs de rangement remplis d’objets en argilite. J’ai été agréablement surpris de tenir dans mes mains un objet que mon arrière-grand-père avait fabriqué 100 ou 120 ans auparavant.

Un homme autochtone aux cheveux noirs courts, portant des gants violets et des lunettes, est debout entre des étagères et des tiroirs de rangement allant du sol au plafond et tient un bol noir sculpté.

Moi avec le plat d’argilite fabriqué par mon arrière-grand-père

Keith Kerrigan

Le Musée en tant que ressource d’étude

Je suis arrivé au Musée canadien de l’histoire avec l’intention d’étudier des boites et des bols, ainsi que des bracelets en argent. J’ai découvert un établissement et un personnel qui ont dépassé mes attentes. Le personnel m’a aidé à planifier mon séjour sur place, m’a généreusement donné de son temps et partagé son expérience.

J’ai trouvé très intéressant de constater que nous avons des façons différentes d’aborder l’étude des objets des collections. Je vois les choses du point de vue d’un artiste et d’un Haïda, alors que le personnel voit les collections professionnellement, avec plus de recul.

Je dois dire que j’ai vraiment apprécié mon temps au Musée ainsi que mes interactions avec le personnel avant et après la visite. Cela m’a donné une nouvelle perspective sur la façon de voir l’art haïda, l’art des autres nations autochtones et l’art en général.

Chaque pièce fait partie d’un casse-tête qui montre comment concevoir et exécuter un projet. Cette expérience m’a donné la confiance nécessaire pour me mettre au défi, en tant qu’artiste, d’améliorer mes dessins, mes sculptures et mes gravures. Je m’inquiète moins de ne pas être à la hauteur, car chaque œuvre sera un échantillon de mon art et de mes capacités au moment où de sa création.

Œuvres créées après ma visite

Mon projet, qui a précédé et suivi ma visite au Musée, consistait à créer une série de bols pour des festins ou des potlatchs. Ces bols ont été tournés par des amis et j’y ai sculpté ou peint divers emblèmes haïdas. J’espère qu’ils vous plairont.

Un grand bol en bois sur la paroi extérieure duquel est sculptée une tête de grenouille stylisée.

Bol grenouille

Keith Kerrigan

Un grand bol en bois sur lequel est peint une orque stylisée en noir et rouge.

Bol orque

Keith Kerrigan

Un homme autochtone aux cheveux noirs courts, portant des gants violets et des lunettes, est debout entre des étagères et des tiroirs de rangement allant du sol au plafond et tient un bol noir sculpté.

Keith Kerrigan

Keith Kerrigan est membre de la nation haïda et du clan Yaghulanaas. Sa famille est originaire du village de Dadens, sur l'île de Langara, à Haida Gwaii. Sa pratique artistique actuelle se concentre sur la création de bijoux contemporains présentant des motifs haïdas inspirés de ceux appris de sa famille, des histoires haïdas et des histoires de ses clients.

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