Boite à histoires

Fabriquer le tambour  

Mon père a été élevé par mon arrière-grand-père, Joe Jeremy. Et mon arrière-grand-père était très traditionnel. Je ne l’ai pas connu, mais je fais bien des choses grâce à lui et aux histoires que j’ai entendues par mon père. Mais il était fabricant de canoës, un fabricant de canoës en écorce de bouleau, et un vannier. Il fabriquait des  Jeux de dés « Waltes », des cornets à orignal, et bien d’autres choses encore. J’ai donc grandi en entendant des histoires à son sujet, et j’ai été fasciné d’entendre ces histoires et d’être sur la même terre que lui, et mettre à l’eau mon premier canoë à l’endroit même où mon arrière-grand-père construisait les siens.  

Alors mon père m’a beaucoup parlé des choses que je fais maintenant, mais j’ai dû apprendre bien des choses par moi-même. Les ainés nous donnent souvent des bribes d’informations, mais ils ne nous donnent pas tout. Je pense qu’ils veulent qu’on aille de l’avant en prenant ce qu’on sait, et essayer d’apprendre de tout ça.  

Et c’est ce que j’ai dû faire. Mon père me disait comment cueillir les racines d’épinette. Il me disait comment récolter l’écorce de bouleau. Il me disait comment plier le bois. Mais je devais faire plusieurs de ces choses moi-même. Au fil des ans, en pliant le bois, je cassais beaucoup de morceaux, mais en les cassant, j’ai vraiment beaucoup appris, parce qu’avec le temps, on réalise que si on ne le plie pas de la bonne façon, le bois va casser.   

Alors, j’ai beaucoup appris au fil des ans : quelle partie de l’animal utiliser, que la peau la plus épaisse est celle du centre du cou, tout le long de la colonne, jusqu’à la queue. Et autour du ventre, elle est très mince, alors on ne l’utilise pas beaucoup. Donc je traçais une ligne du haut du cou, jusqu’à la queue, tout le long de la colonne. Donc la moitié du tambour provenait d’un côté et l’autre moitié provenait de l’autre côté, afin que la peau soit d’épaisseur égale. Puis éventuellement, j’utilisais ce qu’il restait de la peau pour les lacets.   

Le chiffre quatre crée l’équilibre. Voici l’arrière du tambour, c’est le Nord, le Sud, l’Est et l’Ouest. Puis, tout est relié par le quatre. Et cette partie-ci au centre, c’est la poignée. Et ça, c’est du bois d’orignal. Et encore une fois, je dois faire quatre trous dans le bois d’orignal. Donc, tout est relié.   

Et à la fin, ça donne un tambour. Mais la peau est comme la peau de la main, lorsqu’on met de l’eau sur la main, elle s’étire. La peau s’étire. Et c’est la même chose ici. S’il y a de l’eau dessus, la peau s’étirera. Et lorsqu’elle est sèche, si elle est très, très chaude, la peau se resserrera, et elle peut même craquer parfois. Et celle-ci peut faire la même chose.  

Ça, c’est du cèdre jaune, la peau de chevreuil ou de l’élan, selon ce qui est disponible, puis il y a le bois d’orignal et ensuite la personne qui le tient. On a donc l’esprit du cèdre, l’esprit du chevreuil, l’esprit de l’orignal et l’esprit de la personne qui tient le tambour. On retrouve le quatre. Et tout se tient. Eh oui, c’est comme ça que je fabrique le tambour. 

Jouer du tambour  

 Chaque tambour aura un son unique. Et je dirais même qu’ils ont tous leur propre personnalité, tout comme les humains. Vous savez, chaque morceau de bois est différent, chaque peau est différente. Tout est différent. Mais, ce qui est incroyable, c’est que toutes ces différences créent la beauté du monde, la beauté de la terre. Donc tout est bon. Je vais maintenant chanter un petit chant, un chant de l’amitié. Je le chante constamment. Mais ça fait deux ans que je n’ai pas chanté, je suis peut-être un peu rouillé.  

Et ce chant peut continuer indéfiniment. Mais c’est un chant d’amitié. Parfois, dans les cultures autochtones partout au Canada, c’est important pour nous d’offrir des choses – de les partager, de donner. Et parfois, si nous n’avons pas d’objets matériaux à donner, nous pouvons chanter. Je pense que toutes les communautés, ou toutes les tribus du monde, depuis la nuit des temps, ont eu des tambours. C’était la musique. Il y avait un rythme, qui était presque comme un battement de cœur, le battement de notre cœur.   

De nos jours, nous l’utilisons pour de nombreuses occasions, des mariages aux diverses cérémonies. Nous les utilisons en grands groupes lors d’évènements communautaires. Parfois, nous avons juste le tambour, assis seuls près de la rivière. Parfois, nous chantons, parfois nous jouons simplement du tambour. Cela crée une vibration. C’est incroyable, car cette vibration peut traverser le corps. C’est très guérissant.   

Le respect est important. Il est important de respecter les humains, l’environnement, les animaux. Le respect est primordial. Donc, lorsqu’on utilise le tambour, utilisez-le toujours avec respect. Et souvent, les jeunes enfants, qui jouent pour la première fois veulent taper très fort. Et je leur explique : «  tu sais, tu peux le casser, mais tu veux aussi être respectueux.  » Et taper trop fort n’est pas respectueux. À moins que ce ne soit un tambour de pow-wow, un très gros tambour. Mais, peu importe ce que vous faites, faites-le respectueusement.