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Considérations d’ordre commercial associées à la connexion en direct des musées

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CONSIDÉRATIONS D’ORDRE COMMERCIAL ASSOCIÉES À LA CONNEXION EN DIRECT DES MUSÉES

George MacDonald
Directeur exécutif
Musée canadien des civilisations


Résumé


De plus en plus de musées se lancent sur le Web. Seront-ils capables de s’y implanter? Une présence en direct réussie, à long terme, exige la collaboration avec des partenaires de l’industrie, en plus de trouver des moyens de financer les services éducationnels par le biais de projets commerciaux.

(Document présenté lors du Canadian National Internet Show, Toronto, le 29 mars 1996)

Introduction


Les musées, à l’instar d’une foule d’autres organismes, prennent peu à peu conscience de la façon dont l’Internet peut les aider à joindre un public plus nombreux, à mieux se faire connaître comme destinations touristiques et à distribuer leurs produits de façons dont peu disposait de ressources suffisantes pour tenter de le faire auparavant. De plus en plus de musées entrent dans la course et inaugurent des sites Web. Ils en viennent à apprécier le potentiel de l’Internet aux fins éducatives, de promotion et pour produire des recettes, recettes dont ils dépendent de plus en plus dans le contexte économique actuel, alors que le gouvernement sabre les budgets des organismes et que les fonds de commanditaires se font de plus en plus rares.

De prime abord, le Web peut sembler un moyen relativement peu coûteux d’atteindre ces objectifs. Il suffit d’un paiement modique tous les mois pour s’assurer d’un espace serveur auprès d’un fournisseur commercial. La création de pages Web peut être confiée à un employé enthousiaste qui s’y connaît un peu en informatique, voire même à un bénévole ou à un étudiant — qui se serviront peut-être même de leur propre ordinateur personnel et scanner pour convertir les images en format numérique. Et voilà, le tour est joué, votre musée a son propre site Web.

Et maintenant? Votre modeste site, qui contient du texte extrait de vieux dépliants et quelques jolies images, n’en est qu’un de plus parmi des milliers sur le Web. Il se peut fort qu’il retienne l’attention de quelques internautes curieux pendant une ou deux minutes, mais ceux-ci ne tardent pas à passer à autre chose, laissant votre site dans leur sillon, et dans l’oubli.

Le Web n’attend personne. Il est un environnement de plus en plus concurrentiel, et pour disposer d’un site qui attire fréquemment les mêmes visiteurs, qui peut bâtir et retenir une clientèle fidèle, il faut qu’il ait beaucoup d’attrait ou beaucoup de substance, ou préférablement les deux. Le cas échéant, il n’est plus question d’un investissement modique. Il est question d’une connexion rapide à l’Internet, voire même votre propre serveur. Il est question de développement planifié. Il est question de plusieurs employés, certains à plein temps, d’autres à temps partiel, affectés à travailler sur le site Web. Il est question de compétences spécialisées, comme la conception, la programmation et la communication, sans même parler des spécialistes du contenu. Il est question de la capacité, tant du point de vue de la forme que de celui de l’acquisition de matériel et de logiciels, de rester au fait des derniers développements et de leur trouver des applications propres aux musées.

En somme, il est question de l’engagement soutenu de ressources aux fins de la diffusion externe par voie électronique. En l’occurrence, il s’agit de réaffecter des fonds que les musées consacraient auparavant à d’autres activités ou il peut s’agir de trouver des façons de produire directement et rapidement des recettes par le projet Web, idéalement avec un retour l’exercice même de sa mise en œuvre. Ce n’est pas un jeu d’enfant. La plupart des musées devront pendant plusieurs années réaffecter des fonds de leurs budgets actuels avant de franchir le seuil de rentabilité.

Le but principal de mon exposé aujourd’hui est d’envisager des moyens que peuvent éventuellement prendre les musées pour assurer la viabilité financière des projets Web, soit par l’étalement des coûts grâce à des partenariats, soit par le recouvrement de coûts grâce à des applications commerciales. À cette fin, je m’attarderais à ce que fait l’établissement auquel je suis attaché, le Musée canadien des civilisations, à cet égard.

J’ai également l’intention de m’attarder quelques instants sur ma vision du musée virtuel et je tiens aussi à faire quelques observations sur le public du Web. Cependant, dans un premier temps, je me contenterai de résumer l’ampleur de l’activité des musées au niveau du Web.

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Les musées et le Web


Il s’est produit, dans les musées, un éveil lent, mais soutenu de la conscience à la fois des technologies numériques et du fait qu’ils ne peuvent ignorer les tendances de la technologie s’ils veulent attirer les publics du XXIe siècle. Les gens qui visiteront demain les musées seront des personnes pour lesquelles les ordinateurs et le multimédia auront déjà occupé une place importante dans la vie — au cours de leurs études, pendant leurs loisirs et dans le milieu de travail. Alors que les sources de financement public se font de plus en plus rares au Canada (ainsi que dans bien d’autres pays), les musées vont être contraints de compter plus que jamais sur le soutien et l’intérêt des visiteurs qu’ils accueillent. Les possibilités que présentent les technologies numériques du point de vue de la diffusion des connaissances sont d’une échelle inégalée auparavant et les pressions de se conformer aux attentes du public seront des facteurs clés de la transformation des musées. Cette transformation ne signifie pas que les musées perdront leur identité actuelle ou ce qu’ils offrent aujourd’hui, en tant que lieux physiques de transmission de connaissances sur le patrimoine par le biais d’objets uniques et authentiques. Cela signifie plutôt qu’il faudra ajouter une dimension nouvelle au monde des musées, une dimension numérique.

Généralement, les musées ont toujours fait preuve d’une grande prudence en ce qui touche les technologies nouvelles. Ils ont préféré le rôle de suiveurs à celui de chefs de file. C’est peut-être en raison de leur penchant naturel à privilégier le passé plutôt que l’avenir. Il y a eu, au cours des années 1980, des expériences touchant les vidéodisques tentées par quelques musées, d’abord aux fins de gestion des collections puis, plus tard, pour l’accès public et la vente au détail. Maintenant qu’est arrivée l’ère des technologies d’imagerie numérique, il demeure que seulement quelques musées y ont eu recours à des fins semblables. Dans la plupart des cas, il a été question de projets pilotes à petite échelle, individuels, qui ont rarement ouvert la voie à des applications plus vastes ou à des buts à plus long terme.

Pendant un temps, l’inforoute a été le dada des médias. Pourtant, à l’heure actuelle, c’est le World Wide Web qui est en vogue, précurseur anticipé de l’inforoute. Au cours des deux dernières années, les musées ont commencé à se joindre aussi au mouvement — dans bien des cas, il s’agissait d’une façon de se mouiller à relativement peu de frais et de risque. Au MCC, nous avons su apprécier l’intérêt qu’il y avait à acquérir aussi rapidement que possible de l’expérience touchant ce nouveau support et nous lancions un site dès la fin de 1994. Celui-ci comporte aujourd’hui environ 2 000 écrans d’information, ce qui est beaucoup par rapport aux sites Web de musées. Le site est consulté quelque 1 900 fois par jour. Pourtant, pour nous, ce n’est que le début. En tant que dépositaire de millions d’artefacts, de centaines de milliers de photographies historiques, de milliers d’heures de bandes vidéo d’archives et de centaines de nos propres publications sur papier — toutes ces ressources constituant de l’information sur le patrimoine canadien que nous avons le devoir, selon notre mandat, de mettre à la disposition du public — nous disposons des ressources brutes pour créer un fonds de connaissances de valeur pour les universitaires, les étudiants, les amateurs, les groupes d’intérêts particuliers et le public en général.

Lorsque le site Web du Musée des civilisations a été inauguré, c’est à peine si deux douzaines de musées avaient une présence quelconque au niveau du Web. Il y a un peu plus d’un an, 70 musées avaient des sites Web. Dès mai 1995, on en comptait environ 130. En février dernier, quoiqu’il n’existe pas de répertoire unique et complet en direct, le Museums Online Resource Review signalait tout juste plus de 170 bona fide musées et (en consultant d’autres sources), il semblerait en fait que le chiffre réel dépasse 200. La recherche du mot-clé «musée» dans le répertoire Magellan du Web révèle 532 entrées, mais elles ne correspondent pas toutes à des musées dans le sens réel du terme, Quoique seulement 16 ou 17 musées canadiens soient actuellement connectés en direct, je soupçonne que ce chiffre augmentera considérablement en 1996. Ainsi, en janvier, le Musée des beaux-arts, le Musée royal de l’Ontario et la Art Gallery of Ontario inaugurent leurs sites Web tandis que le Royal Tyrrell Museum (qui avait déjà préféré renoncer à créer un site Web) est de nouveau en direct, avec un site remis à neuf.

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Le public du Web


Plusieurs enquêtes ont été menées sur le public de l’Internet ou du Web, y compris des enquêtes périodiques du Georgia Institute of Technology, l’enquête auprès des consommateurs dans le cadre du projet HERMES et les études démographiques CommerceNet/Nielsen. D’après la comparaison des résultats de ces diverses enquêtes, qui parfois s’accordent et parfois se contredisent, nous pensons pouvoir conclure qu’il y a entre 25 et 30 millions d’utilisateurs réguliers du World Wide Web et que la dominance de l’ordre de 60 à 70 p. 100 des Américains, parmi ce public, diminue lentement. Le deuxième groupe d’utilisateurs en importance est le Canada, dont près de trois millions des habitants disposent d’un accès au Web.

Le profil des utilisateurs du Web évolue également. À l’heure actuelle, il semble que le tiers des utilisateurs du Web sont des femmes et que cette proportion croît dans le sens de la proportion de la population générale. Ce phénomène est en partie attribuable au nombre croissant d’étudiants et d’enseignants qui sont branchés au Web.

En revanche, l’âge moyen des utilisateurs est relativement stable, aux environs de 35 ans, ce qui est plus bas que dans la population générale, tandis que le revenu moyen des utilisateurs est plus élevé que celui de la population générale, ce qui n’a rien d’étonnant.

Le nombre d’heures que les gens passent à consulter le Web augmente et, quoique la consultation au hasard demeure la principale activité, la consultation aux fins éducatives ou de divertissement est à la hausse. En revanche, les achats en direct demeurent une activité très limitée, ce qui a incité certains experts-conseils en affaires — qui semblent penser que les fins commerciales sont les seules et uniques de l’Internet! — à en annoncer la disparition imminente. Leurs déclarations ont été reprises par les médias dans des titres comme «Le commerce sur Internet est jugé mort» et «Le World Wide Web, un château de cartes».

Ces rumeurs sur la mort de l’Internet sont très exagérées. Elles sont attribuables à une vision tubulaire et à des perspectives à court terme. Une fois que les essais sur le projet Secure Electronic Transactions seront terminés, nous pouvons nous atteindre à observer un renouvellement de la confiance des utilisateurs à l’égard du Web comme moyen de faire des achats. Il est certain que la croissance de la consommation sera lente. Il est aussi certain qu’il se fera un triage naturel des entreprises en direct à mesure que l’on comprendra mieux quels types de produits les consommateurs sont prêts à acheter en direct. Il n’y a aucun bénéfice à retirer d’offrir aux consommateurs des systèmes de commande et de paiement en direct si les produits ne les intéressent pas. Par contre, les entreprises qui font preuve d’endurance et qui offrent les bons produits, avec de bonnes pratiques de mise en marché, et qui offrent un bon service à la clientèle, réaliseront un chiffre d’affaires suffisant pour justifier leur présence sur le Web. La technologie n’est pas, en elle-même, le moyen miracle de conjurer des sous en direct. C’est une saine stratégie d’affaires qu’il faut.

On peut s’attendre que d’ici deux ans, un public massif, dont le profil sera plus proche des caractéristiques démographiques de la population générale, sera à l’écoute en direct. Les musées qui auront eu le temps de se familiariser avec l’environnement et de capter une partie du public devraient alors se trouver en bonne posture. On ne dispose pas, à l’heure actuelle, de beaucoup d’information sur le sous-groupe particulier des utilisateurs du Web qui visitent les pages d’accueil des musées, mais les données démographiques générales sur les utilisateurs du Web indiquent que leur profil est semblable à celui des personnes qui traditionnellement visitent les musées, du point de vue du revenu, du niveau de scolarité et des intérêts qui tiennent à la fois du divertissement et de l’éducation. En revanche, ils se distinguent par le fait qu’ils ne font généralement pas partie d’unités familiales et que leurs ordinateurs sont pour eux leur accès au monde (tandis que dans le cas des visiteurs traditionnels des musées, la visite est en partie une expérience sociale). De plus, même si l’âge moyen des utilisateurs du Web est de 35 ans, les adolescents et les jeunes au début de la vingtaine représentent une proportion importante des utilisateurs du Web, or ils ne font traditionnellement pas partie du public qui visite les musées. Il s’agit d’ailleurs là d’un public que nous souhaitons nous attacher, par le biais de notre service Internet, ce qui devrait stimuler son désir de visiter les locaux mêmes du Musée.

À mesure que le public se fera plus nombreux et que l’on saisira mieux ses caractéristiques démographiques, les musées pourront concevoir des services plus spécifiques et spécialisés, destinés à des groupes particuliers. Alors qu’à l’heure actuelle, les utilisateurs du Web sont peu enclins à payer pour avoir accès aux sites individuels qui ne présentent pour eux qu’un intérêt passager, il deviendra possible d’offrir des services ciblés à des publics spécifiques selon des modalités d’abonnement ou de facturation. Cette approche est certainement inévitable si les musées veulent continuer d’investir dans les services en direct. En somme, ces services finiront par se rapprocher du paradigme de diffusion limité des canaux spécialisés de la télévision payante.

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Le Musée virtuel


Quel genre d’expérience les musées seront-ils en mesure d’offrir à ces visiteurs virtuels?

Le Web présente des occasions fabuleuses pour les musées :

  • des occasions de surmonter les contraintes d’espace qui obligent les musées à ne présenter qu’un nombre limité d’expositions ou qu’un petit échantillon de leurs collections à la fois;
  • des occasions de surmonter les obstacles géographiques et logistiques qui empêchent les gens de se rendre sur place pour visiter les musées; un de mes employés me racontait dernièrement à quel point un membre de sa famille, qui est confinée chez elle à cause d’une maladie, était ravie d’avoir enfin pu faire l’expérience du Musée canadien des civilisations grâce à son site Web;
  • des occasions d’établir des liens plus directs avec les programmes d’enseignement en faisant des musées une ressource que les étudiants peuvent visiter sans quitter la salle de classe;
  • des occasions de présenter le domaine de contenu et d’intégrer des médias divers de façons nouvelles et interactives afin d’enrichir le processus d’apprentissage.

Je pense que le musée numérique aura recours à des métaphores afin de prendre une apparence voisine de celle d’un musée réel. Les expositions de musée et l’environnement hypermédia du Web partagent déjà certaines caractéristiques. En effet, ils se servent tous deux de diverses formes médiatiques pour transmettre des messages : le texte, les photographies et l’audiovisuel. Ils sont tous deux structurés de façon à permettre l’exploration des domaines de connaissances. Ils ont généralement tous deux une structure d’information hiérarchique, c’est-à-dire que les thèmes principaux sont subdivisés en sous-thèmes. Et pourtant, ils offrent tous deux la possibilité aux visiteurs de se promener pratiquement au hasard, guidés par des principes d’association qui reflètent des intérêts fortement personnalisés.

Les tendances techniques qui pointent à l’horizon — la réalité virtuelle et l’imagerie en trois dimensions — ne serviront qu’à inspirer la création de musées numériques qui ressemblent fortement aux musées réels. Ce seront peut-être ces développements qui finiront par déclencher un mouvement en masse de présentation en direct des musées lorsque, cependant, l’infrastructure de l’Internet aura été perfectionnée, que la réalité virtuelle aura évolué au-delà des postes de travail à la fine pointe pour devenir une technologie prête à utiliser abordable et que des logiciels agents intelligents auront été mis au point pour faciliter la navigation dans les vastes bases de données multimédias.

On commence déjà à entrevoir la présentation en direct de musées virtuels dans lesquels le visiteur peut, sans quitter son fauteuil, visiter des salles d’exposition simulées, observer (de près ou de loin) des objets, en faire le tour et les manipuler en trois dimensions. Il ne tardera pas à avoir un accès instantané aux données de catalogage ou aux documents audiovisuels qui présentent les objets dans le contexte de leur utilisation. Le Musée canadien des civilisations s’intéresse à l’heure actuelle à la présentation de visite des salles en RV en vue du lancement sur son site Web plus tard cette année.

Du point de vue commercial, il faut bien entendu se demander si la métaphore peut être poussée au point d’exiger des droits d’entrée dans les musées virtuels? Je suis convaincu que le public n’aura pas d’objection à payer, comme il le fait actuellement pour visiter les musées, si on peut lui démontrer la valeur du contenu d’information qui est accessible par le biais des musées virtuels. Les parents qui ont des enfants à l’école sont un public particulièrement réceptif. Alors que les gouvernements fédéral et provinciaux prévoient d’installer dans chaque école canadienne (environ 16 000) du matériel et des services en direct d’ici les deux à trois prochaines années, les parents se persuadent rapidement que leurs enfants doivent jouir de tous les avantages possibles pour acquérir des compétences qui leur seront utiles sur le marché de l’emploi de demain. Bien des parents pensent déjà que les heures de loisir que leurs enfants passent à l’ordinateur sont bien plus productives que les heures passivement écoulées devant la télévision.

En songeant à l’avenir, il n’est pas difficile de pousser un peu plus loin cette métaphore pour lier le concept du musée à celui d’un environnement multimédia dans lequel le logiciel agent intelligent a une interface frontale de forme humaine : un guide, un interprète ou un conservateur. Dans le cadre d’un projet récemment entrepris au Jorvik Viking Centre, des crânes humains datant d’il y a 1 000 ans ont été balayés au laser, puis un programme de modélisation en trois dimensions a permis de reconstituer d’authentiques visages de Vikings. Cette technique a permis de créer une trentaine de mannequins naturels qui sont présentés dans les expositions du Centre. Un projet pilote entrepris par le MCC avec le Conseil national de recherches du Canada a permis d’employer la technologie d’imagerie par balayage au laser en trois dimensions mise au point par le Conseil pour faire état des applications pour les musées — en l’occurrence, une exposition de toutes petites figurines du paléolithique a été enrichie grâce à des images en trois dimensions de grande taille que les visiteurs pouvaient faire tourner. De tels projets, en plus de souligner les applications propres aux musées des technologies numériques, laissent aussi supposer que le guide virtuel du musée numérique pourrait bien être un personnage historique, comme John A. Macdonald, avec lequel les visiteurs pourraient engager la conversation pour en apprendre plus long sur leurs perspectives et leurs valeurs.

Ce genre de reconstruction détaillée d’une personne humaine n’a pas encore été tentée, à notre connaissance, mais c’est sûrement là l’orientation que prendra la conception d’un logiciel agent intelligent, autrement dit la perspective de l’humanisation ou de l’anthropomorphisme. Après tout, l’humanité considère que le robot le plus perfectionné serait celui qui imite tellement bien l’être et la personnalité des humains qu’il deviendrait difficile de le distinguer de «l’original». De surcroît, l’une des tendances dominantes dans les musées, dans les années 1970 et 1980, était de transformer des acteurs en personnages historiques dans des contextes historiques reconstitués, dans des musées fermés ou en plein air. Il s’agit là d’une activité de toute première importance pour la plupart des musées, alors que les programmes interactifs à la première personne avec «simulation» pourraient être élaborés conjointement par les musées et les concepteurs médiatiques.

Les tentatives de reconstitution de collectivités historiques dans les musées en plein air ont naturellement ouvert la voie, dans le monde numérique, à des efforts de simulation électronique de cultures passées, c’est-à-dire à la tentative de rapprocher dans l’espace virtuel les données auparavant fragmentées et dispersées géographiquement sur ces cultures, non seulement sous forme numérique, mais aussi sous des formes «personnalisées». La poussée colonialiste et les migrations au cours des deux derniers siècles ont provoqué la fragmentation — voire l’éclatement — de certaines cultures, et c’est d’ailleurs un phénomène dont les musées ont bénéficié, entre autres. Le musée numérique offre la possibilité de rectifier quelque peu la situation, si les musées sont prêts à assumer le rôle de dynamos culturelles. La resynthèse des fragments devrait entraîner une plus grande appréciation de la vitalité des cultures passées que ne peuvent le faire les livres ou les expositions passives. C’est d’ailleurs notamment pour cette raison que les groupes autochtones ont montré un intérêt si prononcé dans l’Internet et dans la façon dont ils pourraient s’en servir pour regagner l’accès à leur information culturelle qui a été confiée à d’autres, au fil du temps.

À titre d’exemples qui illustrent cette orientation, on peut faire allusion au projet Buhen, collaboration entre les concepteurs de la réalité virtuelle, l’industrie de l’informatique et les éducateurs et restaurateurs du Boston Museum of Fine Arts. Ce consortium s’est fixé l’objectif «de fournir aux étudiants la possibilité de vivre des expériences de substitut directes avec des modes de vie anciens, oubliés ou perdus». Le projet de démonstration a visé la reconstitution informatisée de divers cadres de l’Égypte ancienne (notamment la forteresse de Buhen), au moyen de photographies et de données archéologiques. Il est possible de visiter la forteresse dans l’espace virtuel, guidé par un scribe égyptien conjuré par l’ordinateur.

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Des partenariats avec le secteur de la haute technologie


Le moment est venu de revenir sur terre. Il ne sera pas facile pour les musées de concrétiser cette vision du musée virtuel car ils sont des établissements qui bénéficient d’un financement relativement modeste et qui manquent, dans l’ensemble, d’esprit d’entreprise, à moins qu’ils ne soient en mesure de partager les coûts ou de les recouvrer.

Les partenariats sont une façon de partager le risque et la charge de travail associés au genre de projet ambitieux que j’ai décrit. Quoique les musées se perçoivent parfois comme en concurrence les uns avec les autres, ils sont unis par un certain sens collectif et par une tradition de travail concerté pour résoudre des problèmes communs. En revanche, comme les musées sont des organismes sans but lucratif, ils ont moins d’expérience et sont plus hésitants à former des partenariats avec des organismes à but lucratif, craignant que leur image hautement culturelle ne soit ternie par une association avec le milieu des affaires ou l’industrie. Dans la plupart des cas, ces deux mondes ne sont entrés en contact que lorsque les musées ont sollicité des commandites commerciales, et il y a toujours eu la préoccupation que la participation des commanditaires commerciaux ne se limitent pas à la simple signature d’un chèque. On est bien loin d’un partenariat.

Le partenariat suppose une union concertée des compétences de base différentes, mais complémentaires, de chaque partenaire de sorte qu’en unissant leurs forces, ceux-ci peuvent atteindre des buts convenus et mutuellement bénéfiques qu’il serait impossible pour l’un ou l’autre partenaire d’atteindre seul, en raison des coûts exorbitants engagés. La diffusion par moyen électronique des produits de connaissances est manifestement un domaine qui exige des partenariats entre divers organismes. D’une part, il y a des établissements comme les musées et les fonds d’archives, véritables dépôts de connaissances culturelles, mais pour lesquels le domaine des technologies nouvelles, quand il n’est pas une énigme, en est un dans lequel aucun établissement n’a la capacité ou les moyens de rester au fait. D’autre part, il y a les spécialistes de réseaux, les concepteurs de logiciels, etc., qui ont les outils et l’expertise nécessaires pour disséminer les produits de connaissances numériques, mais qui n’exercent aucun contrôle sur les ressources de connaissances.

J’ai mentionné plus tôt que l’exploitation des technologies nouvelles par les musées pour diffuser de l’information au public a, jusqu’à maintenant, surtout été le fait de projets individuels. Le nombre d’établissements qui entreprennent des projets à plus grande échelle est plutôt limité, en partie parce que cela suppose une relation plus permanente entre les musées et l’industrie de la haute technologie. Le Musée des civilisations est l’un des rares musées au Canada qui a forgé des partenariats ou plutôt, comme nous préférons les appeler, des alliances stratégiques, avec des intervenants de cette industrie. Je vais donc m’attarder quelques instants sur ce cas particulier.

La mise en œuvre, au début des années 1980, d’un projet de conception et de construction d’un nouvel édifice pour le musée, et l’occasion dès lors de repenser les moindres aspects de ce que nous faisions pour réaliser notre mandat de diffusion des connaissances, a coïncidé avec la poussée des ordinateurs personnels et l’avènement des télécommunications numériques. C’est pour cette raison que la nouvelle vision formulée pour le MCC intégrait comme ambition clé la notion de diffusion externe par voie électronique, notion qui a depuis été intégrée au premier plan stratégique du Musée. Le nouvel édifice est doté d’un réseau perfectionné, incluant la commutation numérique et des câbles optiques.

Le simple fait que l’infrastructure était en place ne suffisait cependant pas. Nous avions également besoin d’un fonds d’information numérique pour créer des produits multimédias et nous avions aussi besoin d’une expertise en informatique pour nous aider à exploiter et à perfectionner l’infrastructure, en plus de nous conseiller sur les orientations futures à la lumière de la connaissance la plus à jour des progrès techniques.

C’est grâce à la fois à la vision et à l’infrastructure interne intelligente que nous avons pu faire face à nos besoins et conclure des alliances stratégiques avec Digital Equipment du Canada et Kodak Canada, alliances qui ont apporté au Musée l’expertise technique de pointe et l’équipement spécialisé qu’il lui manquait et qu’il lui était impossible d’assurer avec ses ressources internes. Pour nos partenaires, les alliances ont assuré un accès au contenu de connaissances qu’il leur manquait, ainsi qu’à un environnement de réseau perfectionné. Le Musée est devenu pour eux un site d’essai où ils élaborent et perfectionnent certaines technologies, ainsi qu’un site de démonstration où ils peuvent élaborer des produits spécifiques fondés sur leur matériel et leurs logiciels et notre fonds de connaissances, ce qui leur permet de commercialiser leurs services de façon plus généralisée. De plus, le fait d’être associés à un musée national qui jouit d’une réputation dans le monde entier donne à ces partenaires de l’industrie une exposition juste — une certaine crédibilité, ou respectabilité, quant à la commercialisation de leurs services dans le secteur culturel.

L’arrangement ne se résume donc pas simplement à la prestation de services en échange des honoraires facturés. Il s’agit de recherche et de développement qui profitent autant aux partenaires de l’industrie qu’au Musée. Nous n’aurions pu entreprendre de tels projets de recherche et de développement avec nos propres ressources. Les partenariats nous permettent de partager les fardeaux, les risques et les bénéfices.

L’alliance avec Kodak a débuté par le projet de créer une base d’images numériques. Deux ans après le début du projet, nous avons atteint les cibles intérimaires qui avaient été fixées au départ. Plus de 200 000 objets ont été convertis en format numérique sur photodisque compact, y compris des photographies qui se trouvaient déjà dans nos archives et des photographies nouvelles de 40 000 artefacts. Au terme de la troisième année du projet, nous comptons avoir un quart de million d’images numériques pour alimenter nos efforts de création de produits multimédias destinés à la commercialisation. De plus, nous disposons de 400 000 images de catalogue en format analogue sur disques optiques qui peuvent être converties en format numérique sur demande.

La base d’images numériques a déjà servi dans le cadre de plusieurs projets de photodisques ainsi que comme source de données pour le site Web du Musée. Nous avons publié plusieurs disques compacts et photodisques portefeuilles, et d’autres sont en cours de production, sur des thèmes comme la civilisation maya, les mâts totémiques, l’art militaire de la Seconde Guerre mondiale, la philatélie et la culture d’un groupe autochtone nommé les Tsimshian. Un autre projet, intitulé Arctic Journeys, est un projet conjoint avec une coopérative inuit et cinq autres organismes fédéraux, ainsi qu’un entrepreneur du secteur privé.

De plus, nous avons pris des arrangements avec Corel et Corbis en vue d’assurer la distribution d’une sélection d’images de notre base d’images. Corel a déjà lancé plusieurs disques compacts contenant des images de jouets, de mobilier, de verrerie et d’outils des collections du Musée. Plusieurs autres disques sont prévus dans la même série. Corbis fait en ce moment la sélection des images dont la société assurera la distribution par le biais de sa maison d’édition en direct. Ces arrangements nous permettent de prendre le pouls du marché, alors que nous envisageons un jour la production à l’interne, au nom du Musée, de disques compacts d’archives.

Nous avons aussi entrepris un projet pilote visant à mettre à la disposition du personnel, par le biais de notre réseau interne, un sous-ensemble des images. Il s’agit d’une préparation avant que l’accès au réseau ne soit donné au public. Pour notre partenaire, Kodak, il s’agit là d’une bonne occasion de tester le logiciel qu’il élabore à cette fin. Le Musée est partenaire du CIMI Consortium (Computer Interchange of Museum Information) et fait l’essai du SGML et du Z39.50 pour contrôler la livraison par Internet de catalogues de texte et d’images.

Le partenariat avec Digital Equipment du Canada est encore plus central à nos projets de «musée virtuel» que ne l’est notre relation avec Kodak. Nous avons maintenant entamé la seconde moitié d’une alliance convenue de 5 ans. En plus de donner accès au Musée aux compétences de gestion de réseau de Digital et à du matériel puissant, ainsi qu’aux compétences techniques nécessaires à l’exploitation du centre névralgique qu’est notre réseau local en place, c’est cette alliance qui a abouti au projet du Wolrd Wide Web ainsi qu’à plusieurs autres projets pilotes touchant l’Internet. Une équipe de gestionnaires et d’ingénieurs de Digital est installée en permanence à plein temps au Musée, dans le centre du réseau et dans des bureaux situés dans le bâtiment.

Cette équipe a récemment été complétée par d’autres employés de Digital qui ont une expertise spécifique en production multimédia et en diffusion multimédiatique par réseau. Cet ajout relève du projet de Digital d’établir quelques centres multimédias perfectionnés dans différentes parties du monde. Le Musée canadien des civilisations a été choisi par Digital comme hôte du centre canadien, en partie parce que Digital y a vu un site «neutre» alors que d’autres établissements de connaissances, comme les universités, les organismes gouvernementaux ou d’autres musées, seraient plus à l’aise à faire affaire.

Le Centre nouveaux médias est maintenant ouvert, quoique l’inauguration officielle soit prévue plus tard cette année. Le Centre est doté de matériel et de logiciels à la fine pointe et inclut des laboratoires de recherche et de développement et un espace d’essai public et de démonstration. Non seulement est-il fort pratique pour le Musée de disposer ainsi de ce genre d’installation, mais l’entente de partenariat prévoit le versement au Musée d’un pourcentage des bénéfices réalisés par Digital sur la vente de ses services créatifs, d’archives et de distribution par l’entremise du Centre nouveaux médias. Nous prévoyons que ces recettes et les économies de coûts attribuables à cette entente rapporteront environ un quart de millions de dollars par an au Musée.

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Les partenariats entre musées


Même un grand musée comme le MCC ne dispose pas de ressources suffisantes, comparativement aux organisations à but lucratif, pour se consacrer à la réalisation de la vision d’un musée numérique au rythme que nous souhaiterions. La plupart des musées canadiens éprouvent de la difficulté à trouver des fonds à investir dans l’achat d’ordinateurs ou des compétences et de la main-d’œuvre requises par la numérisation, ou dans la création de prototypes et le développement de produits. Il incombera à chaque musée de déterminer dans quelle mesure il peut participer à l’inforoute. Toutefois, les musées peuvent également bénéficier de partenariats entre eux. En fait, s’ils ne forgent pas de tels partenariats, ils pourrait bien, dans le nouvel environnement numérique, perdre leur territoire traditionnel au profit de la nouvelle menace concurrentielle.

Dans l’environnement numérique, tous les intervenants sont, relativement parlant, sur un pied d’égalité en ce sens que les musées n’ont plus leur rôle quasi exclusif de gardiens et d’interprètes du patrimoine. Le World Wide Web, avec ses centaines de milliers de pages d’accueil créées par toutes sortes d’établissements, de groupes d’intérêts, de collectivités, d’écoles et de particuliers, est un environnement démocratique dans lequel n’importe quelle personne qui dispose de moyens relativement modiques peut créer une «exposition» numérique qui reflète ses propres perspectives sur la culture et le patrimoine. En fait, au niveau du Web, il n’est pas facile de distinguer un site créé par un musée réel de celui d’un musée purement numérique créé par un particulier ou un groupe d’élèves, comme le montre d’ailleurs la confusion du public entre le WebLouvre (maintenant renommé le WebMuseum) et le vrai Louvre. En supposant que ce trait démocratique ne vienne pas à disparaître sous l’effet de la bureaucratisation ou de la commercialisation, on peut s’attendre que des expositions ou des musées virtuels seront créés par d’autres que des musées officiels. D’ailleurs, c’est déjà ce qui se produit dans une grande mesure : une analyse des répertoires en direct que j’ai mentionnés plus tôt révèle qu’un important secteur de croissance est celui des expositions ou des musées virtuels. Il s’agit principalement des initiatives de particuliers ou de groupes scolaires — on en compte 43 dans le Museums Online Resource Review.

En dépit de cette concurrence nouvelle, je suis convaincu que les musées officiels ne disparaîtront pas. Il demeure qu’ils possèdent des ressources riches, sous forme de preuves matérielles du passé, et l’expertise nécessaire pour présenter ces preuves de façon qu’elles puissent être aisément assimilées par le public. Leur rôle à l’avenir pourrait donc bien tenir davantage de la coordination que de l’autorité intellectuelle ou du monopole. La vision juste d’un musée virtuel dépasse la simple numérisation des ressources individuelles de chaque musée pour devenir une collaboration supposant la recombinaison des ressources de nombreux établissements ainsi que celles de particuliers — combien d’objets importants du point de vue de leur valeur patrimoniale sont entre les mains de collectionneurs particuliers, par exemple?

Il n’existe pas de musée qui possède à lui seul la somme de la connaissance humaine. Chaque musée possède une pièce d’un gigantesque casse-tête. Le site Web du MCC entame à peine la surface de ce que nous souhaitons arriver à présenter simplement à partir de nos propres ressources d’information. Des bibliothèques, des fonds d’archives, des sites historiques, des sociétés savantes, des familles, etc., possèdent d’autres pièces du casse-tête du patrimoine. Le patrimoine est partout présent. L’environnement numérique offre la possibilité de réunir toutes les pièces, dans l’espace virtuel, pour créer une entité nouvelle : le «méga-musée».

En revanche, pour que cette vision se concrétise, les musées doivent trouver des nouvelles façons de travailler ensemble pour compléter le casse-tête.

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Entreprise commerciale


Bien entendu, tout ceci coûte de l’argent, et la seule façon pour les musées d’arriver à leurs fins sera d’envisager dans une perspective plus commerciale les services et les produits qu’ils offrent. L’esprit d’entreprise n’est pas quelque chose qui jaillit facilement dans des établissements qui se considèrent comme sans but lucratif, motivés simplement par le bien public. Quoique de plus en plus d’établissements aient commencé avec réticence, au cours des dernières années, à imposer des droits d’entrée, ces droits ne couvrent généralement qu’un faible pourcentage des coûts d’exploitation d’un établissement. Par ailleurs, il est rare que les programmes de publications conventionnels rapportent un profit.

En revanche, pour préserver le niveau de service qu’ils offrent et même leurs grands principes de l’accès du public à l’information sur le patrimoine, dans la conjoncture actuelle caractérisée par la réduction des niveaux de financement public, les musées doivent apprendre à évoluer en fonction des temps.

Sachant cela, que peuvent faire les musées pour gagner l’argent nécessaire pour payer le coût de la diffusion électronique? Personne ne dispose pour l’instant d’une réponse assurée à cette question, mais les musées doivent certainement être prêts à expérimenter, à se mouiller, à s’informer des marchés qui existent et de ce qu’ils désirent. J’ai déjà parlé de nos produits sur disque compact. À ce stade, je tiens à revenir sur les façons dont un site Web peut être utilisé pour produire des recettes.

Pour les musées, un site Web est un moyen de promotion auprès de visiteurs éventuels car il permet d’éveiller leur intérêt et de leur fournir de l’information utile à la planification d’une visite. Pour un musée national, qui vise non seulement un public national, mais aussi un public étranger, le Web constitue un outil de promotion plus économique que la publications d’annonces dans des journaux ou des revues partout dans le monde. Manifestement, il existe donc des recettes à produire indirectement en rejoignant un public nouveau dont certains membres décideront, après avoir vu le site Web, qu’ils veulent visiter les lieux mêmes. D’après les commentaires du public que nous avons recueillis grâce à une fonction de rétroaction dont est doté notre site Web, nous avons confirmé que le site a stimulé l’intérêt de visiter le Musée. D’ailleurs, nous participons actuellement à un projet de recherche conjointe avec le Glenbow Museum de Calgary et le Museum of New Mexico afin d’étudier les effets de l’utilisation du Web pour stimuler les visites réelles aux musées.

Une seconde utilisation commerciale des sites Web de musées est la mise en marché des produits qu’offrent les musées. Au niveau le plus élémentaire, il s’agit d’annoncer des publications et des souvenirs, élément que comportent déjà la plupart des sites Web de musées. En revanche, le public s’attend aussi à un service au niveau des sites Web, d’où l’importance de progresser au-delà de la simple publicité pour en arriver aux commandes en direct. Le Musée canadien des civilisations a opéré cette transition à la fin de l’année dernière et nous avons constaté après coup une reprise des transactions commerciales. Je ne vous dirais pas que nous sommes inondés de commandes, mais nous avons reçu des commandes de produits multimédias et d’œuvres d’art autochtones des États-Unis et de l’Europe. De plus, les statistiques révèlent que la section Cyberboutique de notre site Web est l’une des parties les plus populaires de la visite. Je suis convaincu qu’à long terme, elle nous apportera des recettes régulières. Il est probable que ce seront les produits sur disques compacts et les articles culturels uniques — comme les œuvres d’art autochtone — qui se vendront le mieux, car ils sont difficiles à obtenir ailleurs. J’ai l’intention de conclure des ententes de partenariats avec des artistes ou des collaborations d’artistes afin d’offrir leurs œuvres dans notre Cyberboutique, avec bien entendu une part du bénéfice reversée au Musée.

Une utilisation conjointe à la précédente tient à la valeur du Web comme moyen d’assurer la diffusion de publications électroniques. Bien des publications de musées présentent un intérêt pour des publics relativement restreints et fortement éloignés les uns des autres. Il est souvent difficile de publier de façon rentable un document lorsque le tirage est limité, sans oublier le coût d’entreposer pendant des années, le temps de les vendre, les exemplaires du document. La publication sur demande est par conséquent une stratégie qui peut être dans l’intérêt des musées.

Une troisième façon de tirer des recettes du Web est d’exiger des frais d’accès au site, ou à certaines parties du site, que ce soit par abonnement ou sous forme de frais associés à l’utilisation. À condition que le contenu offert en vertu de telles modalités ait réellement une valeur de divertissement ou d’éducation (par opposition à la simple promotion du musée) et qu’il soit dérivé des ressources de connaissances particulières à l’établissement, je crois que le public sera prêt à payer pour y avoir accès. Pour l’instant, les sondages menés auprès des utilisateurs du Web ont révélé qu’environ le tiers d’entre eux refuseraient de payer pour avoir accès à des sites individuels tandis que les autres fonderont leur décision sur la valeur perçue de ce qui est offert. Je prévois que nous verrons de plus en plus une migration vers le paradigme selon lequel une partie de l’information diffusée par le Web le sera gratuitement tandis que certaines parties ne seront accessibles qu’en vertu d’une entente financière quelconque entre l’utilisateur et le fournisseur.

Le Musée canadien des civilisations s’est récemment servi de son site Web pour faire l’essai d’un projet innovateur : une vente aux enchères en direct. Ce qui était innovateur, c’est que nous ne vendions pas des objets, mais le droit de commanditer des artefacts spéciaux qui étaient proposés aux enchères. Quoique ce projet pilote se soit avéré beaucoup trop précoce et n’a pas réussi sur le plan financier (moins de 2 000 visites durant les 14 semaines d’activité), il a été une expérience d’apprentissage fort éclairante. Nous croyons maintenant que d’ici un an ou deux, lorsque le public du Web aura augmenté, il sera possible d’utiliser le Web pour de telles enchères, éventuellement en incorporant la vente d’œuvres d’art et d’autres produits de qualité avec des articles offerts en commandite. Nous avons aussi appris quelque chose au sujet des prix arrondis — nous avons constaté que les nôtres étaient trop élevés. Notre prochain projet sera probablement une véritable vente aux enchères en direct d’œuvres autochtones qui ont été données au Musée, pour financer l’aménagement de notre salle des Premières nations.

Le projet d’enchères en direct, baptisé «Commanditez un trésor», a servi à deux fins. Les personnes qui ne souhaitaient pas participer à l’enchère comme telle pouvaient néanmoins voir une sélection de légèrement plus d’une centaine d’artefacts de nos collections. Il s’agit là d’un exemple d’intégration qui, à mon avis, est un domaine dans lequel le Web a le potentiel d’exceller. Une grande partie du contenu didactique de notre site Web — c’est-à-dire les visites d’expositions — a aussi une fonction promotionnelle : elle «vend» l’idée de visiter les lieux mêmes.

L’immense base d’images numériques que nous sommes en train de créer au moyen de photodisques constitue une archive qui ne sert pas seulement à la production multimédia à l’interne. Nous sommes prêts à vendre l’utilisation unique d’images individuelles à d’autres producteurs ou éditeurs de livres. Nous avons déjà tiré un revenu modeste de la vente de copies de photographies à des maisons d’édition, mais la difficulté a toujours été de commercialiser nos archives photographiques. Le Web nous offre maintenant un outil qui nous permet de le faire de façon plus rentable.

J’envisage un rapport croisé entre les produits d’information sur réseau et les produits autonomes. D’une part, des modules didactiques produits pour le Web peuvent éventuellement être réunis sous un emballage pour distribution sur disque compact, alternative qui est moins coûteuse que la création d’un disque compact perfectionné à partir de zéro. D’autre part, nous pouvons créer un musée «à rapporter à la maison» sous forme d’un ensemble de disques compacts contenant des centaines d’images d’objets de nos collections, organisées selon des thèmes. En fait, il pourrait même s’agir de milliers d’images si celles-ci sont de petites dimensions. Des sélections du contenu de ces disques pourraient être faites pour présenter des unités sur le Web, ce qui augmentera la valeur du site Web tout en faisant la promotion des produits sur disque compact.

Il serait également possible d’intégrer, à ces disques compacts qui sont essentiellement des archives d’images, un logiciel qui permettrait d’établir un lien direct avec le site Web de l’éditeur. À chaque image pourrait être associé un complément d’information, par exemple le texte du catalogue du musée ou un document audiovisuel qui présente l’artefact dans le contexte de son utilisation. Comme les images des artefacts sont en elles-mêmes une forme de données stable, il est logique de les stocker sur disque compact. Par contre, les données d’interprétation peuvent changer, sous l’effet de révisions ou de compléments d’information, et il est donc plus logique de les diffuser sur un support qui se prête à une mise à jour simple. Il pourrait même exister différentes versions de l’information complémentaire, selon le public ciblé. L’accès à l’information d’interprétation serait payant. Nous envisageons que les écoles seraient le principal marché intéressé par ces ensembles de documents sur disque ainsi qu’aux bases de données multimédias sous licence pour utilisation sur sites éducatifs. Je serais très heureux de discuter de cette stratégie avec quiconque dans le public qui y est intéressé.

L’interconnexion des produits que j’ai décrite est susceptible d’accroître les recettes qu’un musée peut gagner. Quoique les produits individuels puissent être achetés séparément, une fois qu’un acheteur s’en est procuré un, il est probable qu’il décidera de pousser plus loin son investissement et d’acheter les produits connexes. Ainsi, on peut s’attendre qu’une personne qui achète un disque de photographies sera intéressée à acheter aussi le droit d’accéder à l’information sur le Web qui ajoute de la valeur à ces photos, par un apport d’information. De plus, une personne inscrite au site Web et qui peut déjà consulter le catalogue de texte voudra acheter les disques qui donnent accès au catalogue d’images.

Considérations d’ordre commercial associées à la connexion en direct des musées – Page 8

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Conclusion


L’environnement numérique est un monde nouveau, rempli de possibilités, pour les musées. Pour tirer parti de celles-ci, les musées doivent d’abord comprendre que le public qu’ils desservent est en train de changer. Les attentes qu’il a des établissements à vocation culturelle changent. La façon dont il s’y prend pour acquérir des connaissances et des expériences change, sous l’influence de l’informatique.

Les musées ont depuis toujours un produit à offrir : la connaissance. Ils se sont voués à fournir ce produit essentiellement gratuitement, pour le bien commun. Toutefois, les connaissances ne sont jamais gratuites. Il en coûte pratiquement toujours quelque chose à quelqu’un et dans le cas de la plupart des musées canadiens, ce quelqu’un a été le contribuable. Cette situation est maintenant en train de changer, et si les musées veulent survivre à ces changements, ils doivent trouver des façons nouvelles de financer les services publics qu’ils fournissent. Le Musée canadien des civilisations est convaincu que le potentiel commercial des technologies nouvelles, comme le World Wide Web, comme moyen de présenter et de diffuser les connaissances, est la clé de la viabilité future des musées au XXIe siècle.