Travis Price : La Journée du chandail rose

Transcription

Alors, la Journée des chandails roses.

La première fois, c’était en 2007, un jeune nouveau dans notre école, CK. C’était un élève de neuvième année; il est arrivé vêtu d’un polo rose. Il n’était pas différent d’autres chandails que j’avais déjà vus, d’autres chandails roses que j’ai pu voir. On s’assoit tous le premier jour d’école pour décider « je vais porter ça et ça » et c’est― c’est exactement ce qu’il faisait le matin.

Il a franchi les portes et un groupe d’étudiants l’a vu porter du rose, et ils ont immédiatement commencé à le traiter d’homosexuel, à le pousser, juste parce qu’il portait un chandail rose.

David Shepherd, l’autre cofondateur de la Journée des chandails roses, et moi-même avons entendu parler de cette affaire et de ce que l’élève avait vécu. Nous nous sommes immédiatement dit qu’il fallait faire quelque chose. Nous devions faire quelque chose pour lui. Nous devions lui montrer que nous― nous sommes des élèves de 12e année au secondaire, nous sommes les grands. Nous sommes censés être les leaders. Nous sommes censés montrer l’exemple aux plus jeunes ― nous étions les Gators ― nous sommes censés montrer aux plus jeunes Gators comment l’école fonctionne et comment nous voulons qu’elle fonctionne.

Cet élève de neuvième année s’était dit : « Je ne veux pas revenir à l’école demain parce que je suis une cible, maintenant. » DJ et moi, on s’est dit qu’il fallait faire quelque chose pour lui. Alors nous sommes sortis ce soir-là. Nous avons acheté 75 camisoles roses pour femmes. Nous avons acheté Pink Pro Rap pour les affaires sportives, juste pour faire des bandeaux et des bracelets, et nous sommes allés sur Facebook et, à l’époque, sur MSN Messenger, et nous l’avons mis dans notre statut.

Nous avons essayé d’envoyer un message à tous ceux que nous pouvions, non pas pour qu’ils nous soutiennent, DJ et moi, parce que nous n’étions pas les plus populaires, mais pour qu’ils appuient la cause, pour qu’ils défendent ce jeune qui ne méritait pas ce traitement. Montrer que nous pouvons faire la différence pour lui lorsque nous sommes en grand nombre.

Nous avons appelé l’administration de l’école. L’administration de l’école avait dit que si quelque chose se passait, s’il y avait des bagarres, s’il y avait des incidents, nous pourrions être expulsés, et que tout cela serait de notre faute. Et DJ n’a même pas hésité. DJ a dit que nous continuerions. Et ça, c’était DJ quand même. Il était toujours prêt à foncer. Moi, en me lançant là-dedans, je n’avais pas peur d’être renvoyé.

Ça aurait probablement été de bonnes vacances, pour éviter l’intimidation. Alors je me suis dit que, si on en venait là, ce serait le meilleur combat de ma vie.

Et vous savez, ce jeune, je l’ai vu comme si c’était moi, malmené à cause du vêtement qu’il avait sur le dos. Moi, on m’avait intimidé à cause de l’argent que ma famille n’avait pas, parce que je ne faisais pas de sport, peu importe… Ce gars-là, c’était moi. Je voulais vraiment que ça se passe différemment pour lui.

Nous faisions partie d’une école d’environ 1 000 jeunes. Nous nous sommes présentés le lendemain, probablement entre 700 et 850 jeunes, vêtus de rose, c’était incroyable. Ça a montré à ceux qui faisaient de l’intimidation qu’il y avait beaucoup de gens dans notre école qui étaient brimés et harcelés comme ça, que tout le monde l’avait vécu d’une manière ou d’une autre, directement ou indirectement, et c’était vraiment très puissant.

C’était très émouvant de voir l’élève franchir les portes de l’école le lendemain sans porter de chandail rose, parce qu’il ne voulait pas être harcelé deux jours de suite parce qu’il portait un chandail rose.

Il craignait ce qui l’attendait. Il savait que nous faisions ça. Nous lui avons gardé un chandail rose pour le lui donner à son arrivée, afin qu’il puisse continuer à faire partie du projet, parce que c’est grâce à lui que ça a commencé.

C’était tout simplement incroyable de voir comment un groupe d’élèves, un groupe de jeunes, pouvait s’unir, tous problèmes mis à part, pour le soutenir, pour soutenir ce nouveau Gator. C’était― vous pouviez voir, quand il a franchi les portes, le poids qui se levait de ses épaules. Il savait qu’il n’allait pas continuer à être le gars intimidé à l’école, qu’il allait être juste un autre jeune, un autre élève.

Il allait pouvoir vivre sa vie.