Musée virtuel de la Nouvelle France

Les explorateurs

Antoine Laumet dit de Lamothe Cadillac 1694-1701

Né le 5 mars 1658 à Caumont, un bourg situé près de Saint-Nicolas-de-la-Grave, en Gascogne, Antoine Laumet de Lamothe Cadillac est le fils de simples bourgeois. Lors de son mariage, célébré à Québec le 25 juin 1687, il magnifie ses origines, disant être « Antoine de la Mothe, écuyer, sieur de Cadillac, âgé d’environ 26 ans, fils de M. Jean de la Mothe, seigneur du dit lieu de Cadillac, de Launay et de Montet, conseiller au parlement de Toulouse et de dame Jeanne de Malenfant ». Or, ses parents ne sont pas nobles. Simple magistrat, son père s’appelle Jean Laumet et il n’est le seigneur de nulle part.

Ce premier mensonge ne sera pas le dernier proféré par Antoine Laumet de Lamothe Cadillac, fondateur de Detroit, dont le séjour en Nouvelle-France débute en Acadie vers 1683. Sans le démontrer et en se contredisant à plusieurs reprises, il se dira militaire d’expérience. Nul ne sait où il a fait ses études, mais les mémoires qu’il produira à l’intention du ministre Pontchartrain indiquent une éducation et une culture certaines.

Itinéraire

Cadillac 1694
Cadillac 1694

Un méchant esprit

Cadillac apparaît à Port-Royal vers 1683, sous les traits d’un aventurier qui s’intègre aux engagés du flibustier François Guyon dit Després, dont le métier consiste à protéger les côtes acadiennes en arraisonnant et en s’appropriant les cargaisons des navires ennemis. Au printemps 1687, Cadillac est à Beauport, lieu de naissance de son employeur. C’est là que, le 25 juin, il épouse une nièce du flibustier, Marie-Thérèse Guyon, qui va le suivre dans ses aventures et lui donner neuf enfants.

Le couple se rend en Acadie où, le 23 juillet 1689, on lui concède un fief à Port-Royal et un autre situé le long de la rivière Douaque (rivière Union, Maine) et incluant l’île des Monts Déserts (Bar Harbour, Maine). Dès cette époque, le mauvais caractère de Cadillac attire l’attention. On évoque son « méchant esprit » et on répète qu’il a été « chassé de France ». Quelques mois plus tard, il est en France où s’amorce sa carrière de courtisan. Grâce à la destruction par William Phips des biens qu’il possédait à Port-Royal, il attire l’attention du nouveau ministre des Colonies, Louis Phélypeaux de Pontchartrain, qui le recommande au gouverneur Louis de Buade de Frontenac.

Un rêve de conquête

Frontenac s’intéresse à cet homme dont on lui a vanté la connaissance de la côte atlantique et qui veut s’emparer de New York, « la source originaire et la pierre de touche de toutes les guerres iroquoises ». Il le délègue en France où le projet de conquête reçoit l’assentiment royal.

C’est dans cette perspective que Cadillac et le cartographe Jean-Baptiste Franquelin effectuent, en 1692, une tournée de reconnaissance le long de la côte américaine dont ils étudient les contours avec précision. Le premier grand projet de Cadillac n’a pas de suite, mais il lui permet de monter en grade. Frontenac y veille car au mois d’octobre 1693, Cadillac est nommé commandant d’une compagnie. L’année suivante, le ministre Pontchartrain lui accorde un brevet d’enseigne de vaisseau et, le 16 septembre 1694, le Gascon éclipse un stratège de la qualité de Daniel Greysolon Dulhut en devenant commandant de Michillimakinac.

Le maître de l’Ouest

La mission de Cadillac à Michillimakinac consiste à consolider la politique instaurée par Dulhut, soit assurer la stabilité des liens entre la Nouvelle-France et les tribus des Grands Lacs de l’Ouest. Or, à peine est-il arrivé sur les lieux au début de l’hiver 1694, que les relations avec les Autochtones se détériorent. À son retour à Québec, trois ans plus tard, la colonie n’a plus de liens privilégiés avec les alliés que Dulhut avait réunis en 1679. Ceux-ci cèdent désormais leurs fourrures aux plus offrants, c’est-à-dire aux Anglais dont les tribus des Cinq-Nations sont les intermédiaires.

Indifférent aux précautions prises depuis plusieurs années par les autorités de la colonie, Cadillac a favorisé la distribution d’eau-de-vie et, comme d’autres avant lui, il n’a pas hésité à se livrer au commerce des fourrures et à… s’enrichir. « Jamais homme, écrit un témoin, n’a amassé du bien en sy peu de temps et qui ait tant fait de bruit par les torts qu’en reçoivent les particuliers qui font les avances de ces sortes de traites. »

Un projet pour la rivière Detroit

En 1698, critiqué de toutes parts mais enclin à se considérer comme victime de cabales, Cadillac se rend en France où il présente un mémoire dont l’essentiel vise l’établissement d’une colonie permanente sur la rivière Detroit. Le 27 mai 1699, le roi en commande l’exécution. Les engagements de Cadillac tiennent en six points : empêcher le castor de tomber aux mains iroquoises ; livrer les pelleteries les plus recherchées, la France étant saturée de peaux de moyenne qualité ; assurer du travail aux coureurs des bois ; garantir des bénéfices aux marchands ; réunir au poste de Detroit les nations alliées et, enfin, grâce aux colons et aux missionnaires, assimiler celles-ci à la nation française.

À Québec, où on connaît mieux qu’à Versailles les enjeux d’un tel projet, on hésite à l’appliquer et on doute des aptitudes de Cadillac à le réaliser. Celui-ci riposte en ces termes au ministre Pontchartrain : « Il résulte de tout ceci que ce plan est bon ou mauvais. S’il est bon, il n’y a point à balancer de le faire exécuter. Choisissez ensuite un homme de tête et de main pour l’exécution sur les lieux ; et vous pouvez vous assurer qu’il réussira comme vous le souhaitez, malgré les secrètes difficultés qu’on y pourra faire. »

La fondation de Detroit

À la fin de l’année 1700, Versailles revient à la charge. Cette fois, il n’y a pas à tergiverser ! Le fondateur de Detroit quitte Montréal le 5 juin 1701 avec une centaine de personnes, moitié habitants, moitié soldats, et deux missionnaires. Le 24 juillet, le groupe s’installe sur le site où s’amorce bientôt la construction du fort Pontchartrain (Detroit, Michigan). Trois ans plus tard, après une lutte contre la Compagnie de la colonie qui avait obtenu la cession du fort, Cadillac en devient le maître.

Il demande en vain un marquisat pour Detroit. Déçu mais toujours ambitieux, Cadillac tente ensuite d’obtenir un gouvernement autonome pour les postes de l’Ouest, projet contre lequel le gouverneur Philippe de Rigaud de Vaudreuil déploie aussitôt toutes ses énergies. Ce n’est qu’au cours des années 1706 et 1707 que Versailles reconnut l’évidence : une colonie se développait bel et bien à Detroit, mais sa présence n’avait pas consolidé les liens entre les tribus de l’Ouest et les Français. Presque toutes les fourrures prenaient la route de New York et il ne faisait pas de doute que Cadillac avait commercé avec les Anglais, distribué de l’eau-de-vie et soudoyé certains des Canadiens qui auraient pu devenir ses adversaires.

À la Bastille!

Selon l’historien Yves F. Zoltvany, si le ministre des Colonies avait sévi contre Cadillac, il aurait admis s’être trompé. En 1710, Pontchartrain imposa donc la disgrâce en nommant Cadillac au poste de gouverneur de la Louisiane où il ne se rendit qu’au mois de juin 1713. L’automne n’était pas terminé qu’on l’accusait déjà d’avoir, en semant la discorde, incité les rares habitants de la Louisiane à s’en aller. On lui reconnaît d’avoir tenté d’établir des liens commerciaux avec le Mexique, d’avoir découvert une mine de cuivre en Illinois et, surtout, d’avoir fondé Detroit.

Rappelé en France, Cadillac y débarqua à la fin de l’été 1717. Le 27 septembre, il entrait à la Bastille en même temps que son fils aîné, en attendant d’être jugé pour avoir parlé « contre le gouvernement de l’état et des colonies ». Libéré au début de l’année suivante, Cadillac rentra dans les bonnes grâces de la cour. On le décora de la Croix de Saint-Louis et on lui confia le gouvernement de Castelsarrasin, ville située non loin de son village natal. C’est là qu’il est mort, le 15 octobre 1730.