Musée virtuel de la Nouvelle France

Les explorateurs

Jacques Cartier 1534-1542

On ne sait pas comment Jacques Cartier a été initié à la navigation, mais Saint-Malo, la ville où il est né entre l’été et l’hiver 1491, était alors l’un des plus importants ports d’Europe. En 1524, il aurait accompagné Giovanni da Verrazzano et participé ainsi aux explorations officieuses engagées par le roi de France. Une dizaine d’années plus tard, Jacques Cartier est un navigateur assez expérimenté pour que François 1er lui demande d’entreprendre l’exploration officielle de l’Amérique du Nord. Il ne fait pas de doute que la route maritime qu’il emprunte, en 1534, lui était déjà familière.

Itinéraires

Cartier 1534
Cartier 1534
Cartier 1535
Cartier 1535

Vers les Terres Neuves

Le 19 mars 1534, Cartier reçoit la mission de « faire le voyage de ce royaume es Terres Neuves pour descouvrir certaines yles et pays où l’on dit qu’il se doibt trouver grant quantité d’or et autres riches choses. » Le 20 avril suivant, le navigateur malouin appareille avec deux navires et 61 compagnons. Vingt jours plus tard, il atteint Terre-Neuve. L’exploration s’effectue d’abord le long d’un territoire fréquenté par les pêcheurs bretons : de la baie des Châteaux (détroit de Belle-Isle) jusqu’au sud de Terre-Neuve. Après avoir planté une croix à Saint-Servan, sur la côte nord du golfe, Cartier pique vers le sud. Après avoir rencontré les Îles-de-la-Madeleine, il met les voiles vers l’actuelle Île-du-Prince-Édouard dont il ne remarque pas l’insularité.

Mensonge et prise de possession

Cartier progresse ensuite jusqu’à la baie des Chaleurs où, le 7 juillet, il rencontre des Micmacs. Les palabres sont assorties d’échanges que l’histoire a consignés comme étant le premier geste commercial intervenu entre Français et Amérindiens. Peu après, Cartier atteint la baie de Gaspé.

Plus de 200 Iroquois de Stadaconé (Québec) se sont rendus dans la péninsule pour pêcher. D’abord confiantes et cordiales, les relations se ternissent quand, le 24 juillet, Jacques Cartier prend possession du territoire. La croix de 30 pieds de haut, qu’il érige à la Pointe-Penouille, semble inconvenante à Donnacona, le chef des Autochtones. Craignant les conséquences de ce mécontentement, Cartier ment en décrivant la croix comme un insignifiant point de repère.

Jacques Cartier à Gaspé  Le 25, il quitte les environs de Gaspé en direction du golfe Saint-Laurent. Après avoir longé le détroit qui sépare l’île d’Anticosti et la rive nord, il repart pour Saint-Malo où il accoste le 5 septembre. Le fleuve Saint-Laurent n’a pas été découvert.

Révélations des guides amérindiens

Jacques Cartier arrive en France avec deux trophées précieux : Domagaya et Taignoagny, les fils de Donnacona qui se sont laissés convaincre de le suivre. Ils lui parlent du fleuve Saint-Laurent et du « royaume de Saguenay », objectifs du deuxième voyage qui débute le 19 mai 1535. Cartier a été persuasif : son équipage a doublé et il dirige trois navires : la Grande Hermine, la Petite Hermine et l’Émérillon.

Cinquante jours après avoir pris la mer, un premier vaisseau jette l’ancre sur les côtes de Terre-Neuve. Le 26 juillet, le convoi est réuni. L’exploration reprend. Le 10 août, jour de la Saint-Laurent, l’explorateur donne le nom du saint à une petite baie. Les cartographes l’appliqueront au « grand fleuve de Hochelaga et chemyn de Canada » qui conduit vers l’intérieur du continent, « si loing que jamais homme n’avoit esté au bout. »

Du Saguenay jusqu’à Hochelaga

Naviguant le long du fleuve jusqu’à Stadaconé (Québec), les navires dépassent l’île d’Anticosti et l’embouchure du Saguenay. Cartier établit ses quartiers généraux sur la rivière Sainte-Croix (rivière Saint-Charles) et, cinq jours plus tard, il monte à bord de l’Émérillon pour se rendre à Hochelaga (Montréal). Laissant le navire dans le lac Saint-Pierre, il poursuit sa route en barque jusqu’au village iroquois où il arrive, le 2 octobre.

Près de deux mille personnes y vivent. L’île et le village sont dominés par une montagne qu’il nomme mont Royal. Il y est conduit par ses hôtes, qui lui parlent des richesses de l’ouest et, encore, du « royaume de Saguenay. » Les rapides, qui coulent au nord et au sud de l’île de Montréal, l’empêchent de poursuivre sa route vers l’ouest. Cartier doit retourner au havre de la rivière Saint-Charles où il constate que les relations avec les Iroquois se sont envenimées. Un hiver hâtif menace les Français.

Isolement, froid et scorbut

Dès la mi-novembre, les navires sont emprisonnés dans les glaces. Décembre débute sur une épidémie de scorbut. Frappés les premiers, les Iroquois tardent à livrer le secret de l’anedda, une tisane de cèdre blanc qui va les sauver. Des 100 Français qui sont touchés, 25 succombent.

Le 3 mai, Cartier fait planter une croix sur le site où il vient d’hiverner. Le même jour, il s’empare d’une dizaine d’Iroquois parmi lesquels se trouve Donnacona, le seul à pouvoir « conter et dire au roi ce qu’il avait vu ès pays occidentaux, des merveilles du monde. »

Le voyage de retour débute trois jours plus tard, sans la Petite Hermine. Au fil d’un crochet le long de Terre-Neuve, Jacques Cartier découvre le détroit qui porte le nom de l’explorateur Giovanni Caboto. Le 16 juillet 1536, Cartier retrouve Saint-Malo.

La colonisation du Canada

Le 17 octobre 1540, François 1er confie au navigateur breton la mission de retourner au Canada pour donner corps à un projet de colonisation dont il serait « capitaine général. » Mais voici que, le 15 janvier 1541, Jean-François de La Roque de Roberval, un courtisan huguenot, supplante Cartier.

Autorisé à partir par Roberval, qui attend la livraison de pièces d’artillerie et de marchandises, Jacques Cartier quitte Saint-Malo le 23 mai 1541. Il dirige cinq navires « bien fournis de victuailles pour deux ans » dont la Grande Hermine, l’Émérillon, le Saint-Brieux et le Georges. Mille cinq cents personnes voyagent avec lui. La traversée dure plus de trois mois.

Sauf une fillette, tous les Iroquois sont morts en France. Cartier avoue le décès de Donnacona, mais il prétend que les autres « étaient restés en France où ils vivaient comme de grands seigneurs; qu’ils étaient mariés et qu’ils ne voulaient pas revenir en leur pays. »

N’étant plus bienvenus à Stadaconé, les colons s’établissent au pied du cap Rouge (cap Diamant), nommé Charlesbourg Royal. L’expérience est désastreuse. Au mois de juin 1542, Cartier quitte la vallée du Saint-Laurent avec les survivants. À Terre-Neuve, il croise le groupe de Roberval qui n’a quitté La Rochelle qu’au mois d’avril. Pendant la nuit suivant leur rencontre, Cartier compromet l’entreprise en faussant compagnie à son chef. Il accoste à Saint-Malo au cours du mois de septembre.

Jacques Cartier ne serait jamais revenu au Canada. Quant à Roberval, il poursuivit sa route jusqu’à Charlesbourg Royal, toponyme qu’il remplaça par celui de France-Roi. Après avoir affronté le climat, le scorbut, les querelles et l’adversité, sa colonie s’éteignit en 1543 sur le rapatriement des survivants.