Musée virtuel de la Nouvelle France

Les explorateurs

Louis Jolliet 1673-1694

Louis Jolliet est né dans la région de Québec où il a été baptisé, le 21 septembre 1645. Fils de Jean, un charron travaillant pour la Compagnie des Cent-Associés (Compagnie de la Nouvelle-France), et de Marie d’Abancourt. Inscrit vers l’âge de 10 ans au collège des Jésuites, il veut être prêtre, une vocation dont il se détourne en 1667.

Premier explorateur d’envergure né au Canada, Louis Jolliet a joué un rôle de premier plan dans l’exploration de l’Amérique du Nord.

Itinéraire

Jolliet 1673-1694
Jolliet 1673-1694

La tentation de la traite

Louis Jolliet a 23 ans quand se précise l’orientation principale de sa carrière. Il sera coureur des bois, un métier qui lui permettra d’établir rapidement sa réputation. Le 9 octobre 1668, il s’équipe en marchandises de traite auprès du marchand Charles Aubert de la Chesnaye : « deux fusils, deux pistolets, six paquets de rassades, vingt quatre haches, une grosse de grelos, douze aulnes d’estoffes à l’iroquoise, dix aulnes de toiles, quarante livres de tabac […]  » L’argent des marchandises lui est prêté par monseigneur de Laval et l’emprunt a été garanti, la veille, par sa mère. C’est pourtant son frère, Adrien Jolliet, pour qui les marchandises ont été achetées, qui part. C’est lui, ce « Jolliet » que l’on rencontre dans la région des Grands Lacs au cours des mois suivants.

Louis Jolliet est au Sault Sainte-Marie quand, le 4 juin 1671, Simon Daumont de Saint-Lusson prend possession des territoires de l’ouest. Quatorze nations assistent à l’événement qui fait entrer dans le royaume de Louis XIV un territoire qui s’étend « dudit lieu de Sainte-Marie du Saut comme aussi des lacs Hurons et Supérieur, île de Caienton et de tous les autres pays, fleuves, lacs et rivières contigues et adjacentes, iceux lieux tant découverts qu’à découvrir, qui se bornent d’un côté aux mers du Nord (baie d’Hudson) et de l’Ouest (océan Pacifique) et, de l’autre côté, à la mer du Sud (golfe du Mexique), comme de toute la longitude ou profondeur. » Louis Jolliet appose sa signature au pied de l’acte.

Le projet de Jacques Marquette

La rencontre de Jacques Marquette et de Louis Jolliet a sans doute eu lieu à la mission des Jésuites du Sault Sainte-Marie. On y connaît parfaitement l’existence du Mississippi où Marquette a formé le projet de se rendre. Jolliet va provoquer la réalisation de ce voyage.

Le coureur des bois est de retour à Québec au mois de septembre 1671. L’année suivante, peu avant son retour définitif en France, l’intendant Jean Talon endosse le projet d’exploration du Mississippi qu’il fait adopter par le gouverneur Frontenac. L’État ne financera pas la mission qui consiste surtout à vérifier si le grand fleuve se jette vraiment dans le golfe du Mexique et si, par l’un de ses affluents, il est possible d’atteindre la Chine.

Jolliet doit s’organiser. Il recrute six coureurs des bois avec lesquels il s’associe officiellement, le 1er octobre 1672. Ils quittent Québec quelques jours plus tard, en direction de la mission Saint-Ignace (Michillimakinac) où ils arrivent le 8 décembre.

Vers l’embouchure du Mississippi

Le voyage en direction du Mississippi débute à la mi-mai 1673. Un mois plus tard, le Mississippi est au pied des canoteurs qui s’y engagent, en direction sud, jusqu’à l’actuelle frontière de la Louisiane et de l’Arkansas. À la mi-juillet, craignant de « se jeter dans les mains des Espagnols de la Floride s’ils avançaient davantage », Jolliet et Marquette rebroussent chemin. Déçus de ne pas avoir atteint l’embouchure du fleuve, ils reviennent néanmoins avec la certitude que le Mississippi conduit bien au golfe du Mexique. Ils ont relevé l’existence d’autres rivières coulant vers l’ouest et se jetant, croient-ils encore, dans la mer du Japon et de la Chine.

À son retour, à la fin de l’été 1674, Louis Jolliet fait naufrage dans les rapides de Lachine où se perdent son journal et la carte dressée pendant l’expédition. Il reconstituera l’un et l’autre de mémoire. « Je fus sauvé après avoir été quatre heures dans l’eau, par des pêcheurs qui n’allaient jamais dans cet endroit et qui n’y auraient pas été, si la Sainte Vierge ne m’avait pas obtenu cette faveur (…) Il ne m’est resté que la vie. »

Le seigneur et le marchand de la Côte-Nord

En 1675, Louis Jolliet revient à une existence en apparence sédentaire. Il se marie avec Claire-Françoise Bissot, anime l’orgue de la cathédrale de Québec et s’inscrit parmi les figures influentes de la colonie. Son intérêt pour la traite des fourrures ne s’est pas atténué. En 1676, il sollicite vainement l’autorisation d’aller s’établir, avec une vingtaine d’hommes au pays des Illinois. La même année, il forme une compagnie qui fera la traite sur la Côte-Nord. Trois ans plus tard, on lui concède l’archipel de Mingan dont la richesse faunique lui permet d’ajouter le titre de marchand à ceux d’explorateur et de seigneur. Au mois de mars 1680, l’île d’Anticosti s’ajoutera à son patrimoine. Il y vivra tous les étés avec sa famille.

À pied vers la baie d’Hudson

La présence des Anglais à la baie d’Hudson et l’importance du commerce qu’ils entretiennent avec les Autochtones, inquiètent les autorités de la colonie. En 1679, elles confient à Louis Jolliet la mission de se rendre à la baie d’Hudson par voie de terre et d’y étudier la situation. Jolliet et sept compagnons partent de Québec, le 13 avril. Leur voyage les conduit du Saguenay jusqu’au lac Saint-Jean puis, par la rivière et le lac Mistassini, jusqu’à la baie de Rupert. Déclinant l’offre des Anglais de s’associer à eux, Jolliet rentre à Québec persuadé que la baie d’Hudson est le plus important réservoir de fourrures au pays et que son contrôle, par les Anglais, fera d’eux les maîtres de « tout le commerce au Canada. »

Le cartographe

Au tournant des années 1690, Louis Jolliet est une personnalité connue en Nouvelle-France ainsi qu’en France et en Angleterre. En 1679, Charles Bayly, gouverneur de la compagnie de la Baie d’Hudson, l’avait félicité pour son rôle dans l’expédition du Mississippi dont il semblait connaître les détails. Quatre ans plus tôt, Jean-Baptiste-Louis Franquelin avait exécuté la Carte de la descouverte du Sr Jolliet. En 1681, paraissait, chez l’éditeur parisien Estienne Michallet, Voyage et découverte de quelques pays et nations de l’Amérique septentrionale, d’après les renseignements fournis par Louis Jolliet et Jacques Marquette. En 1685, une carte du fleuve et du golfe Saint-Laurent, dressée par Louis Jolliet, était expédiée au ministre des colonies. Le seigneur des îles Mingan et Anticosti poursuivait donc sa tâche d’explorateur et de cartographe.

Les contours du Labrador

Au printemps 1694, Jolliet entreprend une mission d’exploration, de cartographie, de pêche et de… traite vers le Labrador. L’expédition est financée par le marchand François Viennay-Pachot. Dix-huit hommes quittent Québec le 28 avril, à bord d’un navire armé. Ils dépassent Mingan, le détroit de Belle-Isle et la baie des Esquimaux jusqu’à la hauteur du 56e parallèle (Zoar) après quoi, la fin de l’été approchant « et ne voyant pas lieu de treuver sistost des sauvages dont le trafic peut payer ce que le vaisseau coustoit tous les jours, nous resolumes d’un commun consentement de chercher havre, et accommoder le navire pour le retour a Quebec. »

Pour la première fois dans l’histoire de l’Amérique du Nord, un explorateur revenait d’une expédition le long des côtes du Labrador avec un journal précis, agrémenté d’esquisses descriptives et de commentaires sur les peuples qu’il y avait rencontrés.

Le 30 avril 1697, Louis Jolliet était nommé professeur d’hydrographie au collège de Québec. Il est mort entre les mois de mai et d’octobre 1700, peut-être dans l’une des deux seigneuries qu’il possédait sur la Côte-Nord.