Musée virtuel de la Nouvelle France

Activités économiques

Traite des fourrures

Il est difficile de surévaluer l’importance de la fourrure dans le développement historique de la Nouvelle-France. En effet, c’est cette ressource qui a incité les Français à établir une présence permanente dans la vallée du Saint-Laurent au début du XVIIe siècle et à poursuivre par la suite leurs activités dans la région des Grands Lacs, les vallées du Mississippi, de l’Ohio et de l’Illinois, et le bassin hydrographique de la baie d’Hudson. Dans ces vastes étendues du continent nord-américain, les Français ont lancé une entreprise commerciale ambitieuse en vue de répondre à la demande européenne de fourrure. Cette entreprise – appelée la « traite des fourrures », terme dont la simplicité n’est qu’apparente – avait des dimensions économiques, sociales et politiques complexes, et a façonné l’expérience coloniale française de diverses manières. Même si sa valeur annuelle était dérisoire par rapport à celle de la pêche à la morue dans l’Atlantique Nord, la traite des fourrures était le moteur économique de la Nouvelle-France : elle finançait des initiatives d’exploration, d’évangélisation et de peuplement tout en assurant un revenu aux habitants et en permettant aux autorités, aux marchands et aux investisseurs de faire fortune. De plus, la traite des fourrures a influé sur la mobilité et le peuplement en Nouvelle-France, car elle exigeait une main-d’œuvre itinérante et des postes de traite intérieurs. Certains de ces postes – Québec, Detroit et Green Bay, entre autres – sont devenus les noyaux d’agglomérations permanentes.

Maison LeBer-LeMoyne, Lachine

Maison LeBer-LeMoyne, Lachine

La traite des fourrures a également rapproché les Français des peuples autochtones de façon permanente, et cela fut primordial. Ne disposant pas d’une main-d’œuvre et de ressources suffisantes pour faire la traite seuls, les Français ont fait appel aux Autochtones, qui prélevaient les peaux, les préparaient et les transportaient, en plus de servir de guides et d’intermédiaires. Pour s’assurer ces services, les Français ont dû conclure des alliances avec plusieurs Premières Nations, y compris les Montagnais, les Algonquins et les Hurons dans la première moitié du XVIIe siècle, et les Saulteaux, les Potawatomis et les Choctaws dans la seconde. Par ces alliances, les Français se sont profondément empêtrés dans les économies, les sociétés et la politique autochtones, tout en attirant les peuples autochtones dans la sphère d’influence européenne. La traite des fourrures fut donc bien plus qu’un simple échange de marchandises : elle a favorisé des échanges de connaissances, de technologies et de cultures matérielles, en plus d’être à la base de coalitions militaires puissantes et de donner naissance à de nouvelles formes culturelles et à de nouvelles identités. Pour maintenir ces interactions complexes et souvent lucratives, les Français ont adopté des attitudes et des politiques à l’égard des peuples autochtones qui se distinguaient nettement de celles des anglophones qui s’étaient installés sur la côte atlantique.

Le commerce autochtone

Au début du XVIIe siècle, les peuples autochtones avaient déjà un système commercial avancé et dynamique. Les réseaux qui permettaient ce commerce sillonnaient l’Amérique du Nord, s’étendant de l’Atlantique au Pacifique et du golfe du Mexique à l’Arctique. Diverses marchandises transitaient par ces réseaux constitués de voies navigables, de portages et de sentiers, notamment des coquillages de la côte est, du cuivre des rives du lac Supérieur et de la rivière Coppermine, de l’obsidienne provenant de divers endroits dans l’Ouest, du tabac des régions au sud des Grands Lacs, des aliments séchés, des filets de pêche et des pelleteries du continent entier. Puisque ces réseaux étaient étendus et efficaces, des articles fabriqués en Europe ont peu à peu atteint l’intérieur du continent, et ce, longtemps avant que les marchands européens ne quittent le littoral atlantique pour s’aventurer dans les régions intérieures. Par exemple, les archéologues ont découvert des pièces d’argenterie européennes, des ornements en laiton et des faïences de Delft datant du milieu du XVIe siècle au pays des Sénécas, situé au sud du lac Ontario, soit des centaines de kilomètres à l’ouest de l’Atlantique.

En 1636, Jean de Brébeuf, missionnaire jésuite, a décrit quelques-unes des règles régissant les réseaux commerciaux chez les Hurons : « Or s’ils ont quelque efpece de Loix qui les maintiennent entre eux, il y a anfli quelque ordre eftably pour ce qui regarde les Peuples eftrangers : & premièrement pour le commerce; plufieurs familles ont leurs traittes particulières, & celuy-là eft cenfé Maiftre d’vne traitte qui en a fait le premier la déconuerte: les enfans entrent dans le droict de leurs parens pour ce regard, & ceux qui portent le mefme nom; perfonne n’y va fans fon congé, qui ne fe donne qu’à force de prefens; il en ailocie tant & si peu qu’il veut; s’il a beaucoup de marchandife c’efl fon aduantage d’y aller en fort petite compagnie, car ainfi il enleue tout ce qu’il veut dans le Pais : c’efl en cecy que confifte le plus beau de leurs richeffes. Que fi quelqu’vn eftoit fi hardy que d’aller à vne traitte, fans le congé de celuy qui en eft le Maiflre, il peut bien faire fes affaires en fecret & à la defrobée, car s’il eft furpris par le chemin, on ne luy fera pas meilleur traittement qu’à vn larron, & il ne rapportera que fon corps à la maifon, ou il faut qu’il foit en bonne compaginici que s’il retourne bagnes faunes, on fe contente de s’en plaindre, fans en faire autre pourfuitte. »

Jean de Brébeuf, « De la police des hurons, & de leur gouvernement », dans The Jesuit Relations and Allied Documents: Travels and Explorations of the Jesuit Missionaries in New France, 1610–1791, publié sous la direction de Reuben Gold Thwaites, Cleveland, Burrows Bros. Co., 1896-1901, vol. 10, p. 222-224.

Bien qu’ils aient possédé l’infrastructure nécessaire pour commercer avec les Européens sur une grande échelle, les peuples autochtones ne partageaient pas nécessairement les attitudes et les approches européennes relativement au commerce. Contrairement aux Européens, qui avaient une propension à s’enrichir, les peuples autochtones avaient tendance à acquérir des biens pour les redistribuer. Les Hurons, par exemple, amassaient des biens en vue de les offrir dans le cadre de cérémonies institutionnalisées qui avaient lieu notamment lors de mariages, d’enterrements et de l’attribution de noms. De telles occasions leur permettaient d’améliorer leur statut social en faisant preuve de générosité et de désintéressement. Ils partageaient avec leurs proches les cadeaux qu’ils recevaient à ces occasions. Au-delà de la communauté, les cadeaux remplissaient une fonction diplomatique déterminante, car ils consolidaient et réaffirmaient les alliances entre les Hurons et leurs voisins de langue algonquine, y compris les Algonquins, les Outaouais et les Nipissings. Les membres de ces groupes échangeaient des cadeaux quand ils se rencontraient, que ce soit en traversant le territoire des autres membres ou lors de rassemblements pour des négociations, des célébrations ou la guerre contre un ennemi commun. Offrir des cadeaux était donc une obligation sociale et diplomatique, et le commerce permettait d’acquérir les biens nécessaires pour s’acquitter de cette obligation.

Le marché européen

À la fin du XVIe siècle, une croissance spectaculaire de la demande de fourrures s’annonçait en Europe. Les caprices de la mode alimentaient cette demande : la fourrure et les vêtements garnis de fourrure étaient de plus en plus recherchés en tant qu’expressions de statut, de richesse et de style. Dès le début des années 1600, un article en particulier est devenu un élément indispensable de la garde-robe de l’homme bien vêtu : le chapeau de feutre à large bord. Divers types de fourrure étaient utilisés dans la confection de ces coiffures, mais les chapeaux de la meilleure qualité, et également les plus chers, ne comportaient que de la fourrure de castor. Un processus de feutrage spécialisé permettait de transformer la fourrure du castor en une étoffe dont la douceur, la malléabilité et la résistance à l’eau étaient inégalées, la rendant donc parfaite pour la confection de chapeaux. Malheureusement, la demande croissante de cette étoffe a contribué à la chasse et au piégeage excessifs du castor européen (Castor fiber), menaçant ainsi l’espèce d’extinction à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle.

L’épuisement des stocks de castors européens a contribué au développement d’un marché européen pour la fourrure du castor nord-américain (Castor canadensis). Comme son homologue européen en péril, le castor nord-américain avait évolué dans un climat hivernal rigoureux et possédait donc une fourrure épaisse qui était idéale pour le feutrage et la confection de chapeaux. Cette fourrure avait deux couches : une couche extérieure constituée de longs jarres lisses et raides, et une couche intérieure constituée d’un duvet court et doux. C’est ce duvet qui a capté l’intérêt des marchands européens, car chacun de ses poils était barbelé, pouvant donc être lié à d’autres poils pour former un morceau de feutre. Cependant, il fallait d’abord séparer le duvet des jarres. Deux méthodes permettaient de le faire et elles exigeaient l’intervention des Autochtones. La première méthode produisait le castor gras. Un vêtement était confectionné avec la pelleterie et porté par une personne autochtone, en contact direct avec la peau. Au bout de quelques mois d’abrasion et d’exposition à la sueur, aux huiles et à la chaleur du corps humain, les jarres se délogeaient et tombaient, laissant uniquement le duvet. La deuxième méthode produisait le castor sec. La pelleterie était séchée au soleil dès qu’elle était prélevée. Pour ôter les jarres de ce type de pelleterie, les feutriers européens devaient suivre un processus spécialisé.

Le feutrage : la transformation des castors gras et des castors secs

Après leur expédition outre-Atlantique, les castors gras et les castors secs étaient soumis à un processus complexe, fruit de plusieurs siècles d’expérimentation et de perfectionnement. Le feutrage avait lieu dans plusieurs ateliers en Europe, mais, dès le début du XVIIIe siècle, les meilleurs feutres, qui étaient aussi les plus à la mode, sortaient de quelques grands établissements à Paris, à Lyon et à Marseille. Le processus de feutrage comportait deux étapes. Premièrement, le duvet était séparé des jarres et de la peau. Ensuite, la barbe sur chaque poil du duvet était soulevée et liée à d’autres poils en employant divers procédés, dont l’exposition à l’eau, à la chaleur et à la friction. La transformation des castors gras était relativement facile, puisque les jarres étaient enlevés avant que les pelleteries soient envoyées aux feutriers. Par contre, les castors secs exigeaient un peignage intensif pour séparer le duvet des jarres. Cette opération a été perfectionnée dans les années 1720 par le développement du secrétage, qui consistait à brosser les castors secs avec des sels de mercure dilués dans de l’acide nitrique. Ce procédé permettait de séparer les poils plus vite et plus efficacement, mais il provoquait une dégradation considérable de la santé des feutriers et des chapeliers. Nombre d’entre eux ont souffert de sérieux troubles neurologiques liés à l’exposition intensive au mercure, un sort qui est peut-être à l’origine de l’expression anglaise « mad as a hatter » (littéralement, « fou comme un chapelier »).

Pour s’approvisionner régulièrement en pelleteries de castor et d’autres animaux, la France a jeté les bases d’une présence coloniale permanente en Amérique du Nord au début du XVIIe siècle. À cette époque, les Français appréciaient déjà les fourrures du Nouveau Monde. Ils les connaissaient depuis le années 1500, grâce aux activités commerciales saisonnières des baleiniers basques et des pêcheurs français dans le golfe du Saint-Laurent. Ce commerce saisonnier étant devenu de plus en plus rentable et concurrentiel au cours du siècle, dès les années 1580 des marchands Français ont commencé à envoyer des navires dans la région dans le seul but de se procurer des fourrures. En vue de contrôler ce commerce naissant, la Couronne française a accordé des monopoles à une succession de compagnies marchandes. Les compagnies qui jouissaient d’un monopole s’engageaient à promouvoir la colonisation de l’Amérique du Nord par les Français et à parrainer les activités de missionnaires catholiques auprès des Autochtones. Ce fut sous ces conditions que des compagnies marchandes ont fondé les premiers établissements français permanents le long du Saint-Laurent : Tadoussac en 1600, Québec en 1608 et Trois-Rivières en 1634. Les Français ne sont pas les seuls Européens que les fourrures ont attirés de façon permanente en Amérique du Nord. Des compagnies marchandes hollandaises ont fondé des établissements permanents le long du Hudson au cours de la même période, d’abord en 1614, à l’emplacement actuel de la ville d’Albany, puis en aval de celle-ci, sur l’ile Manhattan, en 1625-1626. La situation géographique des établissements reflétait les intérêts commerciaux de leurs fondateurs français et hollandais. Chaque établissement était situé au point d’accès à un réseau commercial existant qui s’étendait loin dans l’intérieur d’un continent riche en fourrures.

L’accès aux réseaux commerciaux, 1600-1660

En fondant des établissements le long du Saint-Laurent, les Français se sont intégrés à des réseaux par lesquels des biens commerciaux – y compris des pelleteries – parcouraient de vastes distances. À Tadoussac, ils avaient accès à un réseau qui s’étendait vers le nord-ouest le long de la rivière Saguenay et à travers des centaines de kilomètres de forêt boréale jusqu’à la baie James. À Québec et à Trois-Rivières, ils avaient accès à des réseaux qui s’étendaient vers l’ouest jusqu’aux Grands Lacs et vers le nord-ouest le long de la rivière Saint-Maurice et de la rivière des Outaouais. Chaque point d’accès était situé dans le territoire d’un groupe autochtone particulier qui contrôlait le mouvement de marchandises vers le Saint-Laurent et en provenance de là : les Montagnais à Tadoussac, les Algonquins à Québec et les Atikamekw au nord de Trois-Rivières. En règle générale, ces groupes commerçaient uniquement avec de proches alliés politiques et militaires. Donc, pour avoir accès aux pelleteries qui transitaient par les réseaux, les Français ont été contraints de négocier une série d’alliances stratégiques avec les peuples autochtones de la vallée du Saint-Laurent. Une bonne partie du travail diplomatique préparatoire a été fait par Samuel de Champlain, qui a établi et consommé des alliances avec les Montagnais et les Algonquins en participant aux guerres contre leurs ennemis de long date, les cinq nations de la Ligue des Iroquois, en 1609 et en 1610.

Ayant un pied dans ces réseaux, les Français commerçaient par l’intermédiaire d’Autochtones qui recueillaient les pelleteries auprès des chasseurs, des trappeurs et des préparateurs de l’intérieur du pays, puis les transportaient jusqu’aux établissements naissants français le long du Saint-Laurent, empruntant des voies navigables et des sentiers. Les Hurons, peuple de langue iroquoise qui pratiquait l’agriculture sur la rive sud de la baie Georgienne, étaient les principaux intermédiaires. Après avoir établi une alliance avec Champlain en 1615-1616, les Hurons ont développé un vaste commerce de transport entre les Français et nombre de peuples autochtones le long de la rive nord du Saint-Laurent et dans la région des Grands Lacs. Entre 1615 et 1649, les Hurons ont transporté des marchandises de traite françaises vers les régions intérieures à l’ouest et ont envoyé des flottilles chargées de fourrures à Québec et, plus tard, à Trois-Rivières. Par la suite, ces deux établissements ont été éclipsés par Montréal en tant que destination des flottilles commerciales autochtones. Fondé comme entreprise religieuse en 1642, Montréal est vite devenu le centre de la traite des fourrures en Nouvelle-France en raison de sa situation stratégique, au confluent du Saint-Laurent et de la rivière des Outaouais. Dans les années 1650 et 1660, une foire commerciale y avait lieu chaque été, et elle attirait de grands convois d’intermédiaires autochtones qui apportaient des pelleteries à échanger contre des couteaux, des marmites, des couvertures et d’autres biens français.

« C’est l’aviron qui nous mène en haut » : les échanges se déplacent vers l’intérieur, 1660-1696

Tout en demeurant central dans la traite des fourrures dans la seconde moitié du XVIIe siècle, Montréal a cessé d’être le principal point d’échange entre les Français et les peuples autochtones. Cet établissement est devenu plutôt le principal lieu d’organisation et entrepôt d’une traite qui se déplaçaient progressivement vers l’ouest, dans le pays d’en haut, le vaste territoire intérieur englobant les Grands Lacs et le haut Mississippi. Les Français ont commencé à se déplacer dans cette région et à établir un contact direct avec des chasseurs, des trappeurs et des préparateurs de pelleteries autochtones. L’évolution de la traite fut déterminée par trois facteurs connexes. Premièrement, les Hurons ne pouvaient pas jouer le rôle d’intermédiaires commerciaux après 1649-1650, époque où ils ont été décimés et dispersés par les attaques concertées de la Ligue des Iroquois. L’incapacité des Hurons à résister à ces attaques était due en partie à l’avantage militaire des Iroquois : ceux-ci avaient plus de mousquets, et ces armes, qu’ils avaient reçues de leurs partenaires commerciaux hollandais établis sur l’Hudson, étaient de meilleure qualité. Deuxièmement, la destruction du commerce de transport des Hurons avait entraîné le détournement de fourrures vers les Hollandais et – après 1664 – les Anglais, dans la région de l’Hudson. Troisièmement, l’exploitation intensive pendant des décennies avait épuisé les stocks d’animaux à fourrure dans la vallée du Saint-Laurent, poussant la traite vers l’intérieur de l’Amérique du Nord.

Moins de quatre ans après la dispersion des intermédiaires hurons, le supérieur général des Jésuites, François-Joseph Le Mercier, a fait connaître une tendance courante chez les colons français de la vallée du Saint-Laurent : « [T]oute noftre ieuneffe Frangoife, eft en deffein d aller en traite, trouuer les Nations difperfees, ga & la, & ils efperent d en reuenir chargez, des Caftors de plufieurs annees. En vn mot, le pays n eft pas depeuple de Caftors, & ce font fes mines d or, & fes richeffes; qu il n y a qu a puifer dans les lacs, & dans les ruiffeaux : ou il y en a d autant plus, qu on en a moins pris ces dernieres annees, craignant de s ecarter, & d eftre pris des Iroquois. Ces animaux d ailleurs fe multiplians en grande abondance. »

François-Joseph Le Mercier, « La Pauurete & les Richejfes du Pays », dans The Jesuit Relations and Allied Documents: Travels and Explorations of the Jesuit Missionaries in New France, 1610–1791, publié sous la direction de Reuben Gold Thwaites, Cleveland, Burrows Bros. Co., 1896-1901, vol. 40, p. 214.

Dans le pays d’en haut, le commerce français était assuré par les coureurs de bois, des colporteurs indépendants. Équipés pour la plupart par des marchands de Montréal, les coureurs de bois transportaient des marchandises françaises vers l’intérieur du pays en canot d’écorce et commerçaient directement avec les fournisseurs de fourrures autochtones dans des villages, des camps et des territoires de chasse. Ils ont rapidement étendu leurs déplacements pour atteindre, dès le milieu des années 1670, les lacs Ontario, Michigan et Huron, ainsi que le haut Mississippi et les vallées de l’Ohio et de l’Illinois, attirant des groupes autochtones isolés dans l’orbite commercial des Français. Parallèlement, de plus en plus de Français quittaient la vallée du Saint-Laurent pour se joindre aux coureurs de bois. Certains entreprenaient des expéditions commerciales d’une ou deux saisons seulement, tandis que d’autres passaient des années, voire des décennies, dans le pays d’en haut. En 1679, l’intendant Jacques Duchesneau de la Doussinière et d’Ambault a estimé qu’entre cinq et six cents coureurs de bois circulaient sur les voies navigables intérieures. L’année suivante, il a révisé son estimation à la hausse, portant le nombre de coureurs de bois à huit cents, sur une population de 9 700 personnes dans la vallée du Saint-Laurent. Selon Duchesneau, toutes les familles de la Nouvelle-France comptaient au moins un coureur de bois.

Vu le nombre croissant de Français qui partaient pour l’intérieur du pays, les autorités coloniales et métropolitaines ont commencé à suivre la situation de plus près et à considérer les coureurs de bois et leurs activités comme nuisibles au développement d’une colonie forte et viable. Les vastes réformes introduites par le ministre de la Marine, Jean-Baptiste Colbert, visaient à faire de la Nouvelle-France une « colonie compacte » économiquement diversifiée, autosuffisante sur le plan démographique et limitée géographiquement à un corridor défendable le long du Saint-Laurent. L’exode de coureurs de bois portait atteinte à ce programme en drainant la main-d’œuvre de la colonie et en éparpillant des ressources françaises sur un vaste territoire. Paradoxalement, au début des années 1660, Colbert avait lui-même contribué à cette expansion démesurée en exigeant que ceux qui possédaient le monopole de la traite des fourrures achètent des peaux de castor et d’orignal à des prix fixes. Les coureurs de bois étaient donc assurés un marché pour leurs pelleteries, et ils ont réagi en multipliant leurs activités commerciales dans les régions intérieures de l’ouest du pays. Ce faisant, ils ont saturé le marché européen et ont poussé Colbert à imposer des restrictions légales sur la traite des fourrures. En 1681, par exemple, la Nouvelle-France a inauguré le système des congés, limitant le nombre de permis de traite (appelés congés) délivrés chaque année. Le système s’est vite avéré inefficace : les jeunes hommes ont continué à abandonner la vallée du Saint-Laurent pour le pays d’en haut – souvent illégalement – et les entrepôts de Montréal ont continué à recevoir des fourrures. Au milieu des années 1690, l’offre de fourrures excédait la demande européenne à tel point que l’économie de la Nouvelle-France risquait de s’effondrer. Le 21 mai 1696, Louis XIV a donc révoqué tous les congés et a ordonné la fermeture immédiate de la quasi-totalité des postes de traite. Malgré la possibilité d’être sévèrement punis pour avoir commercé en contravention à l’ordonnance royale, nombre de coureurs de bois ont poursuivi leurs activités dans l’intérieur du pays et ont simplement décidé de vendre leurs fourrures illicitement à Albany.

Du chaos à la structure : l’expansion et la réorganisation de la traite des fourrures, 1715-1760

Ce fut l’économie, plutôt que l’ordonnance royale, qui a dicté le sort des coureurs de bois. Dans les années 1690, les marchands, qui étendaient leurs opérations sur de plus grandes distances, croyaient déjà qu’ils avaient besoin de plus de capital. Certains d’entre eux avaient même commencé à travailler comme engagés – membres salariés des équipages des canots – pour le compte de marchands de la vallée du Saint-Laurent. Ce type d’emploi salarié est devenu de plus en plus courant après 1715, lorsque le marché européen des fourrures a commencé à se redresser et que l’interdiction du commerce fut levée. Chaque année, des habitants acceptaient des contrats de transport de biens, de provisions et de pelleteries entre Montréal et les postes lointains du pays d’en haut. La plupart de ces engagés étaient recrutés à Montréal et dans les environs, bien que certains aient été originaires de la région de Trois-Rivières. Chacun avait ses propres raisons d’accepter un contrat de traite de fourrures : certains cherchaient à compléter les revenus de la ferme familiale, d’autres voulaient rembourser des dettes ou encore échapper aux contraintes sociales et religieuses de la vie dans la vallée du Saint-Laurent. Quelles qu’aient été leurs motivations disparates, les engagés pratiquaient une activité de plus en plus coordonnée, structurée et rythmée dans la première moitié du XVIIIe siècle. Après la fonte des neiges au printemps, ils se rassemblaient en brigades à Lachine – en amont des dangereux rapides entre l’île de Montréal et la rive sud – et montaient à bord de canots chargés de centaines de kilos de marchandises. Ceux qui étaient à bord des spacieux canots de maître transportaient des biens et des provisions aux postes de Detroit (situé au niveau du détroit entre le lac Érié et le lac Sainte-Claire) et de Michilimackinac (au confluent du lac Huron et du lac Michigan), et transportaient de fourrures depuis ces postes jusqu’à Lachine à la fin de l’été ou en automne. Ces engagés avaient été surnommés, avec un certain mépris, « mangeurs de lard » par les « hommes du nord », qui voyageaient dans des canots plus petits, les canots du nord, et se rendaient dans des régions au-delà de Detroit et de Michilimackinac, dans la vallée du Mississippi, au lac Winnipeg, au lac Manitoba, et dans le bassin de la rivière Saskatchewan. Fiers de leur résistance et de leur cran, les « hommes du nord » hivernaient dans l’intérieur et y cultivaient des relations étroites avec des groupes autochtones.

De l’autre côté de la relation contractuelle, il y avait des marchands de Québec, de Trois-Rivières, et notamment de Montréal, le centre organisationnel et administratif de la traite des fourrures. Dans les années 1730, les marchands montréalais étaient déjà spécialisés dans le recrutement d’engagés, l’équipement d’expéditions de traite et la supervision de l’expédition des pelleteries jusqu’à Québec, et de là, en France. Les marchands les plus prospères étaient nés en France et bénéficiaient de liens personnels et professionnels avec des assureurs, des créanciers et des armateurs à Rouen, à Bordeaux et à La Rochelle. Depuis son cabinet à Montréal, par exemple, le Parisien Pierre Guy importait des marchandises et exportait des fourrures par l’entremise de Robert Dugard et Cie, établie à Rouen, et des facteurs de celle-ci en poste à Québec, François Havy et Jean Lefebvre. Puisque les marchands nés au Canada avaient généralement un capital de base plus limité et des réseaux professionnels plus restreints, ils avaient tendance à établir des partenariats pour participer à la traite des fourrures. Ces partenariats comportaient habituellement trois ou quatre membres qui réunissaient les capitaux qu’ils investissaient pour acheter le bail de traite à un poste intérieur. Parmi ces partenariats, il y avait Baby Frères, dont les membres – les frères François, Jacques et Antoine Baby, tous nés au Canada – se déployaient stratégiquement entre Montréal et les postes du pays d’en haut dès 1757. Les frères avaient donc plusieurs points de contrôle de leurs opérations de commerce, de transport et de mise en marché.

Ainsi, au milieu du XVIIIe siècle, la traite des fourrures de la Nouvelle-France se rationnalisait et se structurait selon un modèle capitaliste. Elle commençait à être contrôlée par des marchands urbains, qui coordonnaient le mouvement de la main-d’œuvre, de marchandises et de provisions au sein d’un réseau de transport intégré qui reliait les postes lointains du pays d’en haut aux régions atlantiques françaises. Bien que ce réseau ait été établi surtout pour le commerce, il avait acquis des dimensions politiques, sociales et culturelles qui étaient essentielles à la présence française en Amérique du Nord.

Quand les marchands de fourrures français ont établi une présence permanente dans la vallée du Saint-Laurent au début du XVIIe siècle, ils ont été obligés de respecter les normes, les valeurs et les protocoles qui régissaient le commerce entre les peuples autochtones de la région. Puisque ces peuples commerçaient uniquement avec de proches alliés politiques et militaires, les Français ont été contraints de négocier avec eux pour se faire une place dans une alliance intertribale qui avait vu le jour avant leur arrivée et qui comprenait les Montagnais, les Hurons, les Algonquins, les Outaouais, les Nipissings et d’autres groupes. L’adhésion à cette alliance devait être réaffirmée régulièrement en donnant des cadeaux, en faisant des discours, et surtout en prenant part à la guerre contre la Ligue des Iroquois. Pour remplir cette obligation militaire, Champlain a participé aux raids lancés par les Montagnais et les Algonquin contre les Iroquois en 1609 et en 1610, ses armes à feu s’avérant dévastatrices les deux fois. Les Iroquois ont compris que les Français venaient de se joindre à l’alliance ennemie et les considéraient donc comme des cibles d’agression légitimes. Au cours du siècle suivant, les Iroquois ont monté une campagne violente contre les Français et leurs alliés autochtones qui a débuté par l’harcèlement de flottilles de traite sur le Saint-Laurent et la rivière des Outaouais au début des années 1640 et s’est intensifiée avec la dispersion des Hurons en 1649-1650 et la capture ou le meurtre de près de six cents colons français dans la vallée du Saint-Laurent à la fin des années 1680 et dans les années 1690. Les Français et leurs alliés ont, quant à eux, lancé de multiples invasions en territoire iroquois, où ils ont rasé des villages, détruit des récoltes et pillé des sépultures. Ce n’est qu’en 1701 que les Français et leurs alliés ont conclu une paix durable avec les Iroquois – la Grande Paix de Montréal.

Ayant été entraînés dans un système d’alliances par les exigences de la traite des fourrures, les Français ont commencé à se servir de la traite pour atteindre leurs objectifs politiques et militaires au début du XVIIIe siècle. En effet, la traite est devenue un élément central de la stratégie de la France en Amérique du Nord, qui était essentiellement une réponse à l’expansion territoriale et commerciale des Anglais et, après 1707, des Britanniques. Aux yeux des autorités coloniales et métropolitaines, la Nouvelle-France était menacée sur deux fronts. Le premier était la chaîne de colonies anglophones le long de la côte atlantique, dont les agriculteurs et les planteurs désiraient faire reculer la frontière agricole vers l’intérieur. Le second était la rive sud de la baie d’Hudson, où la Compagnie de la Baie d’Hudson, dont le siège était à Londres, avait des postes de traite depuis le début des années 1670, en grande partie grâce à la collaboration de deux marchands français renégats, Pierre-Esprit Radisson et Médard Chouart des Groseilliers.

Après avoir essayé de déloger cette compagnie par la force navale, les Français ont été contraints de reconnaître la revendication de la baie d’Hudson par les Britanniques en signant le Traité d’Utrecht en 1713. Par la suite, la politique française a été axée sur la restriction des activités des Britanniques en obligeant ceux-ci à rester dans ces deux régions côtières, afin de bloquer leur expansion vers l’intérieur. Cette politique nécessitait d’abandonner l’idée d’une « colonie compacte » proposée par Colbert et d’établir un vaste « cordon sanitaire » qui cernerait les Britanniques pour les confiner à l’est des Appalaches et le long de la côte de la baie d’Hudson. N’ayant pas la main-d’œuvre et les ressources nécessaires pour occuper ces régions eux-mêmes et imposer des structures formelles de gouvernance, les Français ont fait appel à leurs partenaires commerciaux autochtones pour appliquer cette politique. Ils ont résolu de lier ces partenaires plus fermement au système d’alliances et de les préparer à soutenir une guerre éventuelle.

Cette nouvelle politique géopolitique a conféré aux postes de traite intérieurs une importance stratégique considérable. Ces postes servaient aussi de centres de commande militaires, de dépôts de provisions et de points de rassemblement où les Français établissaient et réaffirmaient des alliances avec des groupes autochtones. Au cours de la première moitié du XVIIIe siècle, ils sont devenus les principaux centres d’un réseau militaro-commercial qui s’étendait de l’embouchure du Saint-Laurent jusqu’au Grands Lacs, puis bifurquait en deux directions : vers le sud, le long du réseau fluvial du Mississippi jusqu’au golfe du Mexique, et vers l’ouest, jusqu’aux embranchements de la rivière Saskatchewan. Les postes situés le long de ces deux branches jouaient un rôle particulièrement important, contribuant à bloquer l’expansion coloniale et commerciale des Anglais/Britanniques. Sur le golfe du Mexique, par exemple, deux frères nés au Canada, Pierre Le Moyne d’Iberville et Jean-Baptiste Le Moyne de Bienville, ont établi des postes à Biloxi en 1699-1700 et à Mobile en 1701. Ces postes sont devenus des centres d’échange avec les Choctaws du pays d’en haut, qui fournissaient des peaux de cerf aux Français en échange d’équipement militaire, y compris des armes et des munitions. Ainsi équipés, les Choctaws ont assumé un rôle militaire actif en tant que rempart contre les colons anglophones des Carolinas et leurs alliés autochtones, les Chickasaws. De même, Pierre Gaultier de Varennes et de La Vérendrye, né au Canada, et ses fils ont établi une chaîne de postes de traite de fourrures dans les régions intérieures de la baie d’Hudson entre 1731 et 1743, y compris le fort Saint-Charles, sur le lac des Bois, le fort Maurepas, près du lac Winnipeg, et le fort Paskoya, sur la rivière Saskatchewan. Ces postes ont permis à La Vérendrye et à ses fils d’établir des alliances avec les Cris et les Assiniboines et, par conséquent, d’acquérir les pelleteries que ceux-ci auraient offertes aux marchands britanniques établis sur la côte de la baie.

Jusqu’à la chute de la Nouvelle-France en 1760, la traite des fourrures fut un moyen efficace de s’assurer l’allégeance de peuples autochtones contre les Anglais/Britanniques. Elle a permis à une colonie peu peuplée d’étendre son influence politique et militaire sur une vaste région intérieure de l’Amérique du Nord, faisant ainsi obstacle aux intentions expansionnistes d’agriculteurs, de planteurs et de marchands anglophones. La traite des fourrures a également permis à la Nouvelle-France de mobiliser des milliers de groupes autochtones bien armés et situés à des endroits stratégiques au début de la guerre de Sept Ans – appelée aussi la guerre des Français et des Indiens, et cela en dit long – dans les Treize colonies et, plus tard, aux États-Unis. Pour nombre de groupes autochtones, les Français représentaient une version du colonialisme plus acceptable – ou du moins plus subtile et moins destructrice dans l’immédiat – que celle des Britanniques. Contrairement à ceux-ci, les Français ne se sont pas approprié des terres autochtones sur une grande échelle pour la colonisation et l’agriculture. Ce que les Français voulaient, c’était des fourrures, et cela exigeait la préservation des écosystèmes existants et l’exploitation des connaissances et des compétences des Autochtones. En 1754, un groupe d’Iroquois catholiques a demandé : « Frères, ignorez-vous la différence entre notre père [les Français] et les Anglais? Allez voir les forts érigés par notre père et vous verrez que les terres sous ses murs sont encore des territoires de chasse, car il ne s’est fixé aux endroits que nous fréquentons que pour répondre à nos besoins, tandis que les Anglais, au contraire, forcent le gibier à quitter le pays dès qu’ils se trouvent en possession de celui-ci. Les arbres tombent devant eux, les terres deviennent vides, et nous ne trouvons chez eux presque rien pour nous abriter à la tombée de la nuit. »

L’impact de la traite sur les peuples autochtones

Étant un moyen d’étendre l’influence de l’Europe, la traite des fourrures a provoqué des changements dans les sociétés et les cultures autochtones aux XVIIe et XVIIIe siècles. Il y a eu, entre autres, l’introduction d’outils, d’ustensiles et d’armes qui étaient plus efficaces et plus durables que leurs équivalents préhistoriques. Selon les marchands et les missionnaires français, les peuples autochtones désiraient notamment acquérir des marmites en cuivre, des ustensiles en fer, et des haches, des couteaux, des alènes et des aiguilles en acier. Dans les années 1660, certains de ces marchands et de ces missionnaires croyaient même que les Hurons et leurs voisins de langue algonquine utilisaient de plus en plus d’objets français en métal et cessaient de fabriquer des objets semblables en pierre, en bois ou en os. Cependant, d’après les résultats de fouilles archéologiques, ces groupes autochtones ont continué à fabriquer et à utiliser des outils traditionnels longtemps après l’introduction d’outils en métal. De plus, ces groupes semblent avoir intégré des biens français à leur culture traditionnelle. Par exemple, les Hurons accumulaient des biens français afin de les partager avec leurs proches ou de les redistribuer dans le cadre de cérémonies institutionnalisées qui avaient lieu lorsqu’ils honoraient les morts, et scellaient des accords et des alliances. Cette pratique leur permettait aussi d’améliorer leur statut social. Autrement dit, les biens français n’ont pas nécessairement – ou du moins n’ont pas immédiatement – transformé les valeurs, les attitudes ou les croyances fondamentales. Ils entraînaient souvent des changements superficiels sans modifier les sociétés et les cultures autochtones de manière fondamentale.

Charles L’Allement, supérieur des Jésuites à Québec, décrit ainsi la cargaison des navires marchands qui arrivent à l’été de 1626 : « Ces deux navires apportent toutes les marchandises que ces Messieurs traictent avec les Sauvages, c’est à sçavoir des capaux, des couvertures, bonnets de nuict, chapeaux, chemises, draps, haches, fers de flèches, aleines, espées, des tranches pour rompre la glace en Hyver, des coutteaux, des chaudières, pruneaux, raisins, du bled d’Inde, des pois, du biscuit, ou de la galette, et du petun; & en outre ce qui est nécessaire pour le vivre des François qui demeurent en ce païs-là. En eschange ils emportent des peaux d’orignac, de loup cervier, de regnard, de loutre, & quelquefois il s’en rencontre de noires, de martre, de blaireau et de rat musqué; mais principalement de Castor, qui est le plus grand de leur gain : On m’a dit que pour une année ils en avoient remporté jusques à 22000. L’ordinaire de chaque année est de 15000 ou 12000 à une pistole la pièce , ce n’est pas mal allé. »

Charles L’Allemant, « Lettre du Pere Charles L’Allemant Supérieur de la Mission de Canadas, de la Compagnie de Jésus. Au Père Hierosme l’Allemant son frère. », dans The Jesuit Relations and Allied Documents: Travels and Explorations of the Jesuit Missionaries in New France, 1610–1791, publié sous la direction de Reuben Gold Thwaites, Cleveland, Burrows Bros. Co., 1896-1901, vol. 4: p. 207.

Néanmoins, certaines marchandises de traite ont provoqué un changement rapide et bouleversant chez les peuples autochtones. Parmi ces marchandises, les plus importantes étaient les produits des guerres européennes et des technologies de chasse, notamment les armes à feu. Au cours de la première moitié du XVIIe siècle, les autorités religieuses et civiles de la Nouvelle-France ont essayé de limiter le commerce d’armes à feu avec les Autochtones qui s’étaient convertis au catholicisme. Cependant, elles ont levé cette interdiction quand elles se sont rendu compte que les Iroquois avaient bien plus d’armes que leurs alliés autochtones, car leurs partenaires commerciaux hollandais et anglais n’hésitaient pas à armer les Autochtones non convertis. Par la suite, les coureurs de bois et les engagés transportaient toujours des mousquets et des munitions à échanger. Ce développement a eu deux conséquences connexes. Premièrement, il a rendu les guerres autochtones plus dévastatrices sur le plan psychologique sinon plus meurtrières. Deuxièmement, il a facilité l’évolution des stratégies de subsistance autochtones : la traite des fourrures avait incité les Autochtones à tuer de plus en plus d’animaux à fourrure, et maintenant les armes à feu – ainsi que les pièges en métal – augmentaient leur capacité de tuer. Le prélèvement de fourrures sur une grande échelle représentait un changement majeur par rapport à l’exploitation traditionnelle de l’environnement dans son ensemble. Il se peut que cela ait également modifié la conception qu’avaient les Autochtones du monde naturel et de leur relation avec ce monde. Les cosmologies autochtones ont peut-être évolué – peut-être par le dialogue avec le christianisme après la Réforme – pour justifier la surexploitation de ressources vivantes et en tenir compte.

Paradoxalement, l’impact global des marchandises de traite françaises a été insignifiant par comparaison avec l’impact d’une conséquence inattendue de la traite des fourrures : la transmission d’agents pathogènes mortels. N’ayant pas d’immunité contre des maladies qui avaient été endémiques en Europe depuis des siècles, les peuples autochtones ont été ravagés par la rougeole, la variole et d’autres maladies infectieuses qui existaient dans les établissements de la vallée du Saint-Laurent et se sont répandues par le réseau de traite des fourrures jusqu’aux communautés éloignées du pays d’en haut. Ces épidémies ont fait des ravages dans les sociétés autochtones, atteignant les personnes âgées et les enfants d’une manière disproportionnée et créant ainsi des déséquilibres générationnels. Pendant les épidémies de variole qui ont fait rage de 1634 à 1640, les Hurons ont subi de lourdes pertes, allant de la moitié aux deux tiers de leur population. Ces pertes ont nui à leur capacité de résister aux incursions des Iroquois au cours de la décennie suivante. Ces incursions ont peut-être été motivées par des pertes chez les Iroquois, qui auraient alors cherché un moyen de les compenser.

Pour accéder aux fourrures de l’intérieur de l’Amérique du Nord et les exploiter, les Français ont compté énormément sur les connaissances, les compétences et l’hospitalité des Autochtones aux XVIIe et XVIIIe siècles. Les coureurs de bois et les engagés ont adopté les technologies de leurs partenaires commerciaux autochtones, qui étaient idéales pour le transport des fourrures et des marchandises de traite : des raquettes et des toboggans en hiver, et des canots d’écorce au printemps, en été et en automne. D’une efficacité et d’une fiabilité inégalées, ces canots étaient assez résistants pour transporter de lourdes charges mais assez légers pour portager autour de rapides et entre des voies d’eau. En outre, quand ils ont commencé à étendre la traite à des régions intérieures de plus en plus éloignées, les Français s’en sont remis aux Autochtones, car ceux-ci connaissaient les routes navigables en canot, les sentiers et les portages. En 1728, par exemple, La Vérendrye a obtenu de l’information géographique indispensable de son guide cri, Ochagach, qui lui a dessiné une carte des routes navigables et terrestres entre le lac Supérieur et le lac Winnipeg. En lui servant de guide, Ochagach a permis à La Vérendrye d’étendre le réseau de traite des fourrures vers l’ouest, jusqu’aux Prairies et, ce faisant, d’améliorer l’information qu’avaient les Européens sur la géographie de la région.

Puisque les peuples autochtones jouaient un rôle primordial dans la traite des fourrures, les Français faisaient des pieds et des mains pour s’insinuer dans leurs bonnes grâces. Les nouveaux venus respectaient les codes et les normes qui régissaient le commerce entre les groupes autochtones : ils observaient les rituels exigeant l’échange de cadeaux et la prononciation de discours, payaient péages et tributs quand ils traversaient le territoire d’un groupe, et communiquaient de leur mieux dans les langues autochtones. La traite devenant de plus en plus importance dans la politique géopolitique des Français au XVIIIe siècle, les marchands de fourrures français se sont improvisés diplomates des régions sauvages et ont reçu des subventions royales pour offrir aux peuples autochtones des tissus, des outils, des armes, des munitions et d’autres cadeaux en grand nombre. Selon certains historiens, ces gestes reflètent une approche coloniale intrinsèquement plus respectueuse, plus bienveillante et plus magnanime que celle des Anglais/Britanniques. Cependant, il ne faut pas oublier que ces gestes servaient les intérêts des Français et qu’ils étaient parfois un moyen de manipulation. Vers 1715, Nicolas Perrot, marchand de fourrures chevronné, a écrit : « Le sauvage ne sçait ce c’est que d’obéir : il faut plustost le prier que de le commander ; il se laisse néantmoins aller à tout ce qu’on exige de luy, surtout quand il s’imagine qu’il y a de la gloire ou du profit à espérer ; il se présente et s’offre alors de luy-mesme… [L]e caractère des sauvages est de pencher toujours du costé de ceux qui leur donnent le plus et qui les flattent davantage. »

Les Français voulaient à tout prix cultiver des liens avec les peuples autochtones, mais ils étaient ambivalents quant au rapprochement permanent que cela impliquait. Aux yeux des autorités coloniales, les marchands de fourrures qui s’aventuraient au-delà de la vallée du Saint-Laurent entraient dans un espace liminal dangereux entre « les Français » et « les sauvages ». Bien trop souvent, les coureurs de bois et les engagés traversaient le seuil culturel, adoptant le mode de vie des Autochtones et une identité autochtone. Le gouverneur général Jacques-René de Brisay de Denonville a condamné cet « ensauvagement » en 1685 : « [J]e ne saurais […] assez vous exprimer l’attrait que tous les Jeunes gens ont pour cette vie de Sauvages qui est de ne rien faire, de ne se contraindre pour rien, de suivre tous ses mouvemens et de se mettre hors de la correction. » Denonville a représenté les coureurs de bois et les engagés non seulement comme des victimes de « l’ensauvagement », mais aussi comme des agents de cette contagion : selon lui, les idées et les habitudes qu’ils importaient du pays d’en haut contaminaient les établissements de la vallée du Saint-Laurent. Parmi les importations les plus insidieuses, il y avait la notion de la liberté individuelle – idée qui, selon Denonville et d’autres autorités, menaçait l’autorité légitime de l’Église et de l’État, et expliquait l’indulgence excessive dont faisaient preuve les habitants dans l’éducation des enfants, ainsi que leur indulgence envers des épouses têtues et leur impertinence vis-à-vis de leurs supérieurs sociaux. De telles affirmations, sans doute exagérées, étaient bien plus révélatrices des anxiétés des autorités coloniales que du processus d’emprunt culturel. Quoi qu’il en soit, elles reflètent le rôle de la traite des fourrures dans la mitigation des structures de pouvoir officielles en Nouvelle-France et dans la redéfinition des identités.

En Nouvelle-France, la traite des fourrures a donné naissance à une population métisse issue de mariages entre des marchands français et des femmes autochtones. Ces mariages, souvent conclus « à la façon du pays », soit sans la sanction de l’Église, remplissaient une fonction stratégique dans la traite : il s’agissait d’un mécanisme qui permettait l’intégration de marchands français dans des communautés autochtones en créant des liens ethnolinguistiques de parenté et d’obligation mutuelle. Le mariage transformait des étrangers en membres de la famille, assurant ainsi aux marchands français accès à des fourrures et à des ressources vitales dans les territoires de chasse de leurs beaux-parents autochtones, tout en donnant à ceux-ci accès aux marchandises de traite françaises. À cause de cette transformation, les échanges commerciaux étaient façonnés et déterminés par les exigences de la parenté. Les femmes autochtones jouaient un rôle central dans ce processus, servant d’intermédiaires entre leurs maris français et leurs familles d’origine. Ces femmes enseignaient à leurs maris des langues, des coutumes et des normes de comportement autochtones, tout en fournissant des services compétents dans la négociation et la préparation des fourrures. Avec le temps, ces femmes ont renforcé les liens de parenté interethniques en ayant et en élevant des enfants métis.

Ayant voyagé en Nouvelle-France d’octobre 1699 à octobre 1700, le sieur de Dièreville, chirurgien français, a fait les observations suivantes au sujet du commerce avec les Outaouais : « Lors qu’un François negocie avec eux, il prend pour le fervir une de leurs Filles, celle qui eft apparemment le plus à fon gré : il la demande au Père, & cela fe fait à de certaines conditions, il promet de luy donner quelques couvertures, quelques Chemifes, un Fufil de la Poudre & du Plomb, du Tabac, des Outils; enfin ils conviennent enfemble des chofes, et font leur marché? La Fille qui a la connoiffance du Païs, s’engage de fon côté à fervir le François en toutes manieres, d’accommoder fes peaux, & de vendre fes Marchandises pendant un temps qui eft marqué, & cela s’éxecute trés-fidellement de part & d’autre. »

Sieur de Dièreville, Relation du voyage du Port Royal de l’Acadie ou de la Nouvelle France, Amsterdam, Chez Pierre Humbert, 1710, p. 200-201.

Au début du XVIIIe siècle, des populations métisses commençaient à se concentrer autour des principaux centres de traite de fourrures du pays d’en haut, notamment Detroit, Michilimackinac et Green Bay. Puisque ces personnes avaient des liens avec les sociétés autochtone et française, les marchands de fourrures les considéraient comme des interprètes, des guides et des conjoints idéaux. Cependant, leurs origines mixtes n’étaient pas encore à la base d’une identité métisse distincte. Nombre de ces personnes s’identifiaient selon l’ethnie de leur mère : Outaouais, Potawatomi, Illinois, Nipissing et ainsi de suite. De plus, certains membres de ces populations étaient identifiés par des marchands et des missionnaires comme étant « des Français », surtout s’ils avaient passé un certain temps dans les établissements de la vallée du Saint-Laurent ou avaient acquis des comportements français autrement. Dans d’autres cas, des liens de parenté locaux et régionaux définissaient l’identité, plutôt que l’ethnie, la nationalité ou la langue. Ce n’est qu’à la fin du XVIIIe siècle ou au début du XIXe siècle qu’une collectivité métisse identifiable qui s’identifiait en tant que telle a commencé à se préciser dans la région des Grands Lacs et plus à l’ouest. Ce nouveau peuple s’est inspiré d’influences autochtones et françaises pour élaborer ses propres lois, créer ses propres institutions et formes de gouvernement, et développer sa propre langue mixte, le michif, qui incorporait les éléments les plus complexes du cri et du français. Bien que les historiens continuent à faire des recherches sur les origines et l’évolution de l’identité métisse, il y a peu de doute qu’elle soit née de mariages mixtes et d’échanges liés à la traite des fourrures en Nouvelle-France.

La traite des fourrures, une entreprise complexe et multidimensionnelle, a façonné l’économie, la politique et la vie sociale de la Nouvelle-France depuis la naissance de la colonie en 1600 jusqu’à sa défaite définitive en 1763. La raison d’être commerciale de la colonie, elle a influé sur le peuplement, la mobilité, l’emploi de la main-d’œuvre et l’extraction des ressources. Elle a donné une raison et le moyen d’explorer les voies navigables intérieures de l’Amérique du Nord et, finalement, de soutenir un vaste empire fluvial qui s’étendait de l’embouchure du Saint-Laurent aux Grands Lacs, vers l’ouest jusqu’aux Prairies, et vers le sud le long du réseau fluvial du Mississippi jusqu’au golfe du Mexique. En créant parallèlement un système d’alliances, la traite des fourrures a permise à la France de revendiquer des territoires où elle ne pouvait pas imposer des structures de gouvernance formelles parce qu’elle manquait de main-d’œuvre et de ressources. Ces territoires, qui comprenaient le pays d’en haut, étaient des lieux de négociation et d’échange, où les Autochtones et les Français se rencontraient pour échanger des biens, des services et des connaissances. Les deux ont été transformés par leur rencontre à ces endroits, par l’échange de cultures matérielles, de technologies, de coutumes et de lois, et par la redéfinition des identités.

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En quête d’aventure : la traite des fourrures au Canada et la Compagnie du Nord-Ouest
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Recherche originale : Timothy P. FORAN, Ph.D., Musée canadien de l'histoire