Les explorateurs
Étienne Brûlé 1615-1621
L’existence de l’interprète-explorateur Étienne Brûlé restera toujours mystérieuse. Né vers 1591, à Champigny-sur-Marne, dans la région parisienne, il aurait accompagné Samuel de Champlain à Québec, en 1608. Son destin est tracé : il servira d’interprète – ou « truchement » – auprès des nations amérindiennes alliées des Français. Il sera surtout un éclaireur. Essentiel aux premières explorations documentées effectuées en Nouvelle-France, il a précédé Samuel de Champlain, Gabriel Sagard, Jean Nicolet, Nicolas Perrot et leurs émules sur la route des Grands Lacs. Il aurait été le premier Européen à voir et à produire des descriptions orales de l’Outaouais, de la baie Georgienne, de la Pennsylvanie et de quatre des Grands Lacs.
Itinéraire
Connaître le pays et ses peuples
En 1610, le fondateur de la Nouvelle-France a déjà exploré la rivière Richelieu jusqu’au lac Champlain. Il s’intéresse au pays intérieur dont la découverte doit s’amorcer à l’ouest du sault Saint-Louis (rapides de Lachine). À la fin du mois de juin, le fondateur de la colonie en confie le repérage à Étienne Brûlé :
« J’avois un jeune garçon qui avoit deja yverné deux ans à Quebecq, lequel avoit desir d’aller avec les Algoumequins, pour apprendre la langue.[…] pour scavoir quel estoit leur pays, voir le grand lac, remarquer les rivieres, quels peuples y habitent ; ensemble descouvrir les mines & choses les plus rares de ces lieux & peuples, afin qu’à son retour nous peussions estre informez de la vérité. »
Le 13 juin 1611, Samuel de Champlain franchit les rapides de Lachine. Il précise alors qu’avant lui, aucun « autre Chretien, hormis mondit garçon » n’avait tenté l’expérience. En aval ou en amont de l’obstacle, il rencontre Étienne Brûlé :
« Aussi je vis mon garçon qui vint habillé à la sauvage, qui se loua du traictement des sauvages, selon leur pays, & me fit entendre tout ce qu’il avoit veu en son yvernement & ce qu’il avoir apris desdicts sauvages. […] Mon garçon […] avoit fort bien apris leur langue. »
Au cœur de la Huronie
Brûlé repart aussitôt vers le pays des Hurons. Pour atteindre ce territoire, situé dans la péninsule formée par les lacs Ontario et Huron, il aurait voyagé le long de l’Outaouais et de la Mattawa, traversé le lac Nipissing et suivi la rivière des Français jusqu’à la baie Georgienne.
Le 1er août 1615, Champlain « découvre » le lac Huron où il rencontre le truchement qu’il autorise à se rendre chez les Andastes, au sud de l’Iroquoisie, « puisque de sa volonté il y estoit porté, & par ce moyen verroit leur pays & pourroit recoignoistre les peuples qui y habitent. »
Le 8 septembre 1615, Brûlé part du lac Simcoe en compagnie de guides hurons. Il chemine jusqu’au site de l’actuelle ville de Buffalo, à la jonction des lacs Érié et Ontario. Il continue ensuite jusqu’à la rivière Susquehanna « qui se décharge du côté de la Floride où il y a force nations qui sont puissantes et belliqueuses. »
Au printemps 1616, l’explorateur quitte le pays des Andastes et remonte vers le nord où il est pris par les Iroquois. Selon son récit, il aurait été torturé et menacé de mort. Il sauve sa peau en bluffant, se gagne l’estime de ses geôliers et se présente comme un négociateur influent, promettant même « de les mettre d’accord avec les François, & leurs ennemis, & leur faire jurer amitié les uns envers les autres. »
Au mois de juillet 1618, après 34 mois d’absence, Étienne Brûlé revient dans la colonie. Selon ses propres dires, il aurait été le premier Européen à explorer l’actuel État de Pennsylvanie.
La Pennsylvanie et le lac Supérieur
En 1618, Brûlé veut se rendre au lac Supérieur. Champlain l’invite à réaliser son voeu : « ce qu’il me promist de continuer, et effectuer dans peu de temps, avec la grâce de Dieu et de m’y conduire. »
Brûlé poursuit, jusqu’en 1621, des pérégrinations qui le conduisent au sault Sainte-Marie qui relie les lacs Supérieur et Huron. Le récollet Gabriel Sagard témoigne de cet exploit : « Le Truchement Bruslé avec quelques Sauvages nous ont asseuré qu’au delà de la mer douce (lac Huron), il y a un autre grandissime lac, qui se descharge dans icelle par une cheute d’eau que l’on a surnommé le Saut de Gaston (sault Sainte-Marie). »
La trahison
En 1624, Gabriel Sagard discrédite Étienne Brûlé auprès de Champlain. Le récollet dénonce les moeurs libres du nomade et il révèle que Brûlé a désormais deux maîtres puisqu’il travaille pour la Nouvelle-France et pour les commerçants de fourrures, ennemis de Champlain.
La mémoire d’Étienne Brûlé fut irrémédiablement ternie en 1629. Champlain avait capitulé devant les frères Kirke et la plupart des Français rentraient dans la mère-patrie. À Tadoussac, Brûlé et son confrère Nicolas Marsolet reconnurent leur intention de rester en Nouvelle-France : « Nous avons été pris de force, firent-ils comme excuse ; nous savons très bien que si l’on nous tenait en France qu’on nous pendrait […] »
La nouvelle de l’assassinat de Brûlé, tué par les Hurons alors que la colonie était anglaise, a été communiquée à Champlain à son retour à Québec, en 1633.