Musée virtuel de la Nouvelle France

Les explorateurs

Pierre-Esprit Radisson 1659-1660

Pierre-Esprit Radisson est né vers 1640, à Avignon ou à Paris. La date de son arrivée en Nouvelle-France n’est pas connue. Il est probablement aux Trois-Rivières en 1646, lors du mariage de sa demi-sœur, Marguerite Hayet, avec Jean Veron, sieur de Grandmesnil. Quand elle se remarie avec Médard Chouart Des Groseilliers, le 24 août 1653, Radisson vit avec des Iroquois qui l’ont enlevé et conduit dans la région de Corlaer (Shenectady).

Même s’il dira avoir été bien traité pendant sa captivité, Radisson s’évade. Il est repris dans la région des Trois-Rivières, puis torturé et maté. Évadé une deuxième fois, il se réfugie au fort Orange où il joue les interprètes pour le compte des Hollandais. En 1654, il est à Amsterdam et, avant le début de l’été, il est aux Trois-Rivières. Le 29 juillet 1657, il participe à une expédition formée pour venir en aide à la mission jésuite d’Onnontagué (Onondaga). L’année suivante, quand la mission est menacée d’extermination, il organise la fuite de tout le monde. C’est à ce moment qu’il entre dans l’histoire.

Itinéraire

Radisson 1659-1660
Radisson 1659-1660

Dans le sillage de Chouart Des Groseilliers

Contrairement à Médard Des Groseilliers, son beau-frère, Pierre-Esprit Radisson n’a ni vu les Grands Lacs ni démontré d’aptitudes à l’exploration. Mais il a vécu dans les bois et, à 18-19 ans, il porte assez de cicatrices pour que Des Groseilliers croie à son courage. Des Groseilliers le recrute donc et, au mois d’août 1658 ou 1659, ils partent pour la première fois ensemble. Ce voyage d’une année les conduit à l’ouest du lac Supérieur où Des Groseilliers sait qu’il trouvera des fourrures de qualité.

Ce séjour parmi diverses nations amérindiennes leur permet de comprendre que la «mer salée» dont parlent leurs hôtes est la baie d’Hudson. Ils en reviennent avec la certitude qu’on peut l’atteindre par l’Atlantique. Radisson écrit : «Nous arrivâmes enfin à Québec; (24 août 1660) l’on nous y salua de plusieurs salves des canons de la batterie du fort et des vaisseaux ancrés dans la rade. Ces vaisseaux seraient retournés allèges en France, si nous ne fussions pas venus ». Malheureusement, leurs fourrures sont saisies et ils sont mis à l’amende pour avoir quitté la colonie sans la permission du gouverneur, Pierre Voyer d’Argenson.

Œil pour œil, dent pour dent

L’attitude du gouverneur, sévissant contre deux hommes qu’il a publiquement applaudis, n’est pas sans conséquence. Tout comme l’inaction du ministre des Colonies qui, en 1661, n’accorde pas à Des Groseilliers la réparation qu’il réclame. L’année suivante, les deux beaux-frères sont à Boston. Financés par des marchands, ils tentent sans succès de se rendre à la baie d’Hudson. Au mois d’août 1665, ils s’embarquent pour Londres. Ils savent déjà que l’Angleterre leur apportera le soutien que la France leur refuse.

Le premier voyage a lieu en 1668. L’Eaglet, qui porte Radisson, échoue entre l’Irlande et l’Amérique du Nord. Des Groseilliers, à bord du Nonsuch, atteint la rivière Nemiscau (Rupert) où le fort Charles est construit. L’année suivante, l’explorateur revient en Angleterre chargé de fourrures. La Compagnie de la Baie d’Hudson peut prendre forme. Créée le 2 mai 1670, elle a trois buts principaux : l’exploitation des fourrures, la prospection de minéraux et la recherche du passage vers l’ouest.

La volte-face

Quelques semaines après la formation de la Compagnie de la Baie d’Hudson, Radisson navigue sur la mer salée jusqu’à l’embouchure de la rivière Nelson. Les quatre années qui suivent sont constituées d’allers et de retours entre l’Angleterre et la baie. À Londres, vers la fin de l’année 1674, Radisson et son beau-frère rencontrent un Français enlevé à la rivière Rupert, le jésuite Charles Albanel. C’est lui qui les aurait persuadés d’opérer un retour dans le giron de la France. Les raisons de cette volte-face sont obscures, mais tout indique que les deux hommes avaient livré l’essentiel de leur savoir et que la Compagnie les traitait alors avec désinvolture.

En France, on recommande aux deux hommes de retourner au Canada et de s’y entendre avec les autorités sur les moyens à prendre pour faire flotter la bannière française à la baie d’Hudson. Froidement reçus par le gouverneur Frontenac qui réserve son attention aux explorations menées du côté des Grands Lacs et du Mississippi, les aventuriers réorientent leur carrière. Des Groseilliers s’installe aux Trois-Rivières et Radisson retourne en France où il entre dans la Marine. Vers 1680, après des expéditions qui l’ont conduit sur les côtes africaines et aux Antilles, il quitte cet emploi.

Un homme déchiré

Radisson est déchiré. La France et sa colonie sont sourdes à ses projets de reconquête de la baie d’Hudson et il est loin de sa femme, fille de sir John Kirke, un des associés de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Le fait que celle-ci ne l’ait pas suivi en 1675 incite les Français à croire que Radisson peut encore traverser la Manche. Il doit donc aller la chercher. En 1681, il se rend à Londres. Obéissant à son père, sa femme refuse de quitter le royaume.

De retour en France, Radisson revoit Charles Aubert de La Chesnaye, qu’il a rencontré deux ans plus tôt et qu’il a convaincu de s’intéresser à la baie d’Hudson. Aubert de La Chesnaye est mûr pour créer la Compagnie du Nord ou Compagnie française de la Baie d’Hudson qui lui permettra, ainsi qu’à ses associés, de contrôler le marché des fourrures de la baie d’Hudson. Au mois d’août 1682, Radisson et Des Groseilliers conduisent deux navires de la compagnie jusqu’à la rivière Monsoni (Hayes), à l’extrême sud de la baie James. Ils arrachent Port Nelson aux Anglais, s’emparent d’un navire bostonnais et ramènent une impressionnante cargaison de fourrures. S’étant vus refuser le juste paiement de leur contribution, les deux hommes abandonnent. Des Groseilliers rentre dans l’ombre. Radisson met le cap sur la France et, de là, sur l’Angleterre.

En guerre contre la France

Arrivé en Angleterre au début du mois de mai 1684, Radisson reprend du service auprès de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Quinze jours plus tard, il navigue vers la baie d’Hudson. Le Happy Return jette l’ancre près de Port-Nelson qui cesse bientôt d’être français. Il se rend à la rivière Hayes où il persuade son neveu, Médard Chouart, et les Assiniboines de se ranger du côté de l’Angleterre. Il vide les entrepôts et emporte avec lui les fourrures appartenant aux Français…

En 1686, la Nouvelle-France confiait au chevalier Pierre de Troyes la mission de reprendre les forts de la baie d’Hudson et de capturer Pierre-Esprit Radisson qui y séjournait alors. Au mois de mars de l’année suivante, Louis XIV adressait aux autorités de la colonie un message montrant que la France avait enfin compris «le mal que le nommé Radisson a fait à la colonie et celui qu’il serait capable de faire s’il restait plus longtemps parmi les Anglais […]» Devenu citoyen anglais en 1687, Radisson mourut en 1710 dans un état voisin de la pauvreté. Il s’était marié trois fois et avait eu au moins neuf enfants.

Pierre-Esprit Radisson a été sévèrement jugé par ceux qui ne lui pardonnent pas d’avoir guidé l’Angleterre vers le nord de la Nouvelle-France et, ce faisant, d’avoir contribué à affaiblir la position de la France en Amérique du Nord.